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Babylone

Persépolis

Plateau nord

Plateau central et Bactriane

Le temps perdu

Parodos

Acte I : Origines

Acte II : Les Doriens

Acte III : Sophocle

Acte IV : Alexandre

Le temps gagné

Acte V : Le christianisme

© Christian Carat Autoédition

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La campagne de Perse centrale

(automne -331 à printemps -329)

La conquête de Persépolis (hiver -331/-330)


La conséquence de la bataille des Portes persiques/susiennes est immédiate : Alexandre entre dans Persépolis (29°56'04"N 52°53'29"E) début -330, appelé par le trésorier impérial perse Tiridatès, qui administrait la cité en l’absence du satrape Ariobarzanès : ce Tiridatès, qui à l’instar de Mazaios à Babylone et d’Aboulitès à Suse a senti que l’heure était venue pour lui de trahir son Grand Roi Darius III, et qui en conséquence a interdit l’accès de Persépolis à son supérieur Ariobarzanès venu y chercher refuge à la fin de la bataille des Portes persiques/susiennes comme nous l’avons raconté dans notre alinéa précédent, craint que la fin de l’autorité perse provoque un mouvement de foule qui risquerait de menacer sa vie et ses biens, il estime donc que la venue des Grecs est urgente et impérative pour maintenir l’ordre ("En chemin, Alexandre reçut une lettre de Tiridatès, le conservateur du trésor royal, l’informant que les habitants ayant appris les derniers événements avaient l’intention de piller les coffres-forts, et l’incitant à venir les prendre rapidement puisqu’ils n’appartenaient plus à personne, il lui précisa aussi que la route était facile si l’on exceptait la traversée de l’Araxe [erreur aberrante de Quinte-Curce, qui confond le fleuve Araxe servant de frontière nord entre l’Empire perse et le monde scythe, frontière actuelle entre l’Arménie, l’Azerbaïdjan et l’Iran, avec la rivière Kor au sud, irriguant notamment le territoire de la moderne ville de Marvdasht à proximité du site archéologique de Persépolis, et alimentant le grand lac artificiel de Douroudzan au nord-ouest de cette ville]. Le roi réagit avec promptitude. Laissant l’infanterie derrière lui, il voyagea toute la nuit avec les cavaliers qui eurent beaucoup de peine à le suivre, et atteignit l’Araxe au lever du jour. Des constructions se trouvaient à proximité : on les détruisit pour récupérer le bois et en fabriquer une passerelle, qu’on fixa sur des piles de pierre", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, V, 5.2-4 ; "Alexandre rassembla rapidement le gros de l’armée [après la bataille des Portes persiques/susiennes contre Ariobarzanès], traversa le pont que les siens avaient jeté [sur la rivière Kor], et s’avança à grandes journées dans la Perse pour ne pas laisser à ceux qui gardaient le trésor royal le temps de le piller avant son arrivée. Il s’empara également de l’argent que jadis Cyrus II avait accumulé à Persépolis", Arrien, Anabase d’Alexandre, III, 18.10 ; "[Alexandre] marcha ensuite directement vers Persépolis. Avant d’y arriver il reçut une lettre du gouverneur Tiridatès l’informant que si ses troupes se montraient plus rapides que celles de Darius III envoyées pour défendre cette cité, lui-même était prêt à lui en ouvrir les portes. Alexandre ordonna aussitôt à ses troupes de doubler le pas, et passa l’Araxe [même erreur aberrante que chez Quinte-Curce, qui confond le fleuve Araxe avec la rivière Kor] sur un pont mobile", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.69). Pour l’anecdote, les cadres perses sont partis en mutilant leurs prisonniers grecs, qui avancent au-devant d’Alexandre en exposant leurs blessures ("A peu de distance de la cité, le roi vit arriver un cortège abominable, dont le tragique destin mérite qu’on le mentionne. Les Perses avaient infligé différents supplices à quatre mille prisonniers grecs : ils leur avaient coupé les pieds, les mains, les oreilles, les avaient marqués au fer rouge de caractères barbares et les gardaient pour jouir en permanence du spectacle de leur déchéance. Voyant que ce serait bientôt leur tour de passer sous domination étrangère, ils les avaient laissés partir à la rencontre du roi. Ils ressemblaient à d’horribles spectres qui n’avaient plus d’humain que la voix, et firent couler plus de larmes qu’ils n’en avaient versé", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, V, 5.5-7 ; "Le roi s’avançait toujours, quand s’offrit un spectacle digne de compassion pour ceux qui en étaient les sujets et digne de vengeance contre ceux qui en étaient les auteurs. Environ huit cents Grecs, capturés à la guerre par les Grands Rois ayant précédé Darius III, dont certains étaient encore jeunes, vinrent se présenter à Alexandre : tous avaient une partie du corps coupée, les uns la main, les autres le pied, ceux-ci les oreilles, ceux-là le nez. A ceux qui exerçaient un métier on avait épargné les parties du corps nécessaires à leur art. Tous ceux qui les virent furent affligés par l’état de ces malheureux, dont plusieurs étaient avancés en âge, Alexandre surtout en fut touché au point de verser des larmes", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.69).


Alexandre s'installe sur le trône de Darius III ("La première fois qu'[Alexandre] s'assit sur le trône des Grands Rois de Perse, sous un dais d'or, Démarate de Corinthe, qui avait été l'intime ami de Philippe II et qui aimait tendrement Alexandre, se mit à pleurer comme un bon vieillard, et regretta que les Grecs ayant péri dans les combats eussent été privés du plaisir suprême de voir Alexandre assis sur le trône de Darius III", Plutarque, Vie d'Alexandre 37), s'appropriant le somptueux appareil des Grands Rois ("Dans le livre V de son Histoire d'Alexandre le Grand, Charès de Mytilène écrit : “Les Grands Rois de Perse ont une propension au luxe telle que, près de la couche royale, on trouve au niveau la tête du souverain une salle du Trésor contenant cinq lits où sont entassés près de cinq mille talents de pièces d'or, et au niveau des pieds un second appartement appelé « Marchepied du Grand Roi » enfermant trois lits et trois mille talents d'argent. Quant à la chambre à coucher en elle-même, on y voit une vigne d'or sertie de pierreries, dont les enlacements s'élèvent au-dessus du lit”. Amyntas affirme dans ses Itinéraires que cette vigne étrange présentait des grappes ornées des pierres les plus précieuses qui soient. A proximité, était posé un cratère entièrement en or réalisé par Théodoros de Samos", Athénée de Naucratis, Deipnosophistes XII.8 ; "Les barbares avaient quitté la cité et s'étaient dispersés de tous côtés sous l'effet de la peur, le roi n'attendit pas pour entrer à la tête de la phalange. Beaucoup de cités gorgées de trésors royaux avaient été prises, mais la richesse de cette cité éclipsait tout ce qu'il avait vu. Les barbares avaient accumulé dans cette cité les richesses de toute la Perse : des monceaux d'or et d'argent, une quantité incroyable de tissus, une vaisselle de luxe conçue pour être exposée et non pour servir", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, V, 6.2-3). Pendant plusieurs mois, il tente une politique d'apaisement général, dirigée autant vers les Perses que vers les Grecs. Phrasaortès, fils du Rhéomithrès que nous avons vu s'illustrer à la bataille du Granique en -334 et mourir à la bataille d'Issos en -333, est nommé satrape de Perse en remplacement d'Ariobarzanès ("Alexandre établit Phrasaortès fils de Rhéomithrès satrape de Perse", Arrien, Anabase d'Alexandre, III, 18.11). Le trésorier Tiridatès, qui a livré Persépolis, conserve son poste ("Le roi chargea Nicarchidès de défendre la forteresse avec une garnison de trois mille Macédoniens. [texte manque : on suppose qu'ici Quinte-Curce indiquait la nomination de Phrasaortès comme satrape de Perse] Tiridatès, qui avait remis le trésor, fut maintenu au poste que Darius III lui avait confié", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, V, 6.11). Oxathrès, le frère de Darius III (rappelons que la mère de cet Oxathrès est Sisigambis, et que le père est Aboulitès le satrape de Susiane qui s'est récemment rendu à Alexandre) qui s'est illustré lors des batailles d'Issos et de Gaugamèles, est libéré ("[Alexandre] chargea Héphestion de convoquer tous les prisonniers au palais. Il vérifia l'identité de chacun et mit à part les descendants des grandes familles. Ils étaient un millier. On repéra parmi eux le frère de Darius III, Oxathrès, qui était aussi connu pour ses qualités personnelles que pour sa parenté avec Darius III", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, VI, 2.9) et gavé de cadeaux ("[Alexandre] reconnut le frère de Darius III comme l'un de ses Amis et le combla d'honneurs en reconnaissance de ses prouesses passées", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, VI, 2.11). Oxydatès, qui a été emprisonné à Suse pour avoir trahi Darius III après la bataille de Gaugamèles comme on l'a vu plus haut, est libéré également ("Darius III avait pris et laissé [Oxydatès] à Suse dans les fers, ce qui lui avait concilié l'amitié d'Alexandre", Arrien, Anabase d'Alexandre, III, 20.3 ; "Parmi les notables perses figurait Oxydatès : Darius III l'avait condamné à mort et le maintenait dans les chaînes. Alexandre le libéra", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, VI, 2.11). Alexandre se rend aussi en pèlerinage sur la tombe de Cyrus II à Pasargades, à une quarantaine de kilomètres au nord-est de Persépolis (30°12'01"N 53°10'41"E, "C'est au centre des jardins royaux de Pasargades que s'élevait le tombeau [de Cyrus II] entouré de bois touffus, d'eaux vives et de gazon épais. C'était un édifice dont la base, assise sur de grandes pierres, soutenait une voûte sous laquelle on entrait avec peine par une très petite porte. On y conservait le corps de Cyrus II dans une arche d'or sur un abaque dont les pieds étaient également d'or massif, couvert des plus riches tissus de l'art babylonien, de tapis de pourpre, du manteau royal, de la partie inférieure de l'habillement des Mèdes, de robes de diverses couleurs, de pourpre et d'hyacinthe, de colliers, de cimeterres, de bracelets, de pendants en pierreries et en or. On y voyait aussi une table, l'arche funéraire occupait le centre. Des degrés intérieurs conduisaient à une cellule occupée par les Mages dont la famille avait conservé, depuis la mort de Cyrus II, le privilège de garder son corps. Le Grand Roi leur fournissait tous les jours un mouton et une certaine quantité de farine et de vin, et tous les mois un cheval, qu'ils sacrifiaient sur le tombeau. On y lisait cette inscription en caractères persans : “Mortel, je suis Cyrus fils de Cambyse, j'ai fondé l'Empire des Perses et commandé à l'Asie, ne m'envie pas ce tombeau”", Arrien, Anabase d'Alexandre, VI, 29.4-8 ; "[Alexandre] se rendit à Pasargades, curieux de visiter l'antique palais de cette cité. Il y vit en même temps, dans l'un des parcs, le tombeau de Cyrus II. Cette construction en forme de tour était peu haute, au point qu'elle demeurait presque cachée par les ombrages épais qui l'entouraient. Pleine et massive en bas, elle se terminait par une terrasse surmontée d'une chambre sépulcrale accessible par une entrée unique, extrêmement étroite. Aristobule raconte comment, sur l'ordre d'Alexandre, il franchit cette étroite entrée et pénétra dans le sanctuaire pour déposer sur le tombeau l'offrande royale : il y vit un lit en or, une table chargée de coupes, un cercueil également en or, enfin une quantité de belles étoffes et de bijoux précieux enrichis de brillants. Tel était l'aspect que présentait le tombeau de Cyrus II à l'époque du premier passage d'Aristobule", Strabon, Géographie, XV, 3.7), opération à finalité autant religieuse que politique. On se souvient effectivement que, si l'on suit certains historiens modernes, le zoroastrisme n'est qu'une branche du mithraïsme, Zarathoustra la prédicateur qui a donné son nom à cette religion s'étant contenté d'élever sur un plan spirituel la politique hégémonique de Cyrus II (ou d'abaisser le dieu solaire Mithra sur le plan politique de Cyrus II, selon le point de vue !) sur le mode : "Cyrus II et sa dynastie est l'incarnation de Mithra, c'est lui qui apporte le Bien, le Vrai, la lumière sur la surface de la terre en repoussant les forces du Mal, du Mensonge, de l'ombre". Parmi les arguments invoqués par ces historiens, on trouve le nom même d'Ahura-Mazda, le dieu suprême du zoroastrisme, qui pourrait désigner la personne de Cyrus II et signifier étymologiquement "le seul, le vrai dieu suprême Mithra" (avec une corruption phonétique de "Mithra" en "Mazda"), on trouve aussi la concordance temporelle (le zoroastrisme ne semble pas antérieur au VIème siècle av. J.-C., qui correspond avec l'épopée conquérante de Cyrus II et l'instauration d'Ahura-Mazda comme dieu suprême des Perses à partir de Darius Ier en -522), on trouve aussi la probable représentation de Cyrus II au-dessus de la porte R du tombeau de Pasargades dont les attributs (quatre ailes rappellant celles du dieu mésopotamien Marduk, une robe élamite, et le hemhem égyptien) semblent annoncer ceux d'Ahura-Mazda à partir de Darius Ier. Si cette hypothèse des historiens modernes est fondée, le pèlerinage d'Alexandre serait à placer dans la lignée de toutes ses autres démarches vers les dieux des peuples précédemment conquis : Alexandre sacrifie à Pasargades non seulement pour signifier qu'il est l'héritier légitime de Cyrus II, mais encore pour montrer qu'il respecte Ahura-Mazda comme il a respecté Marduk, Ammon, Yahvé, Melkart, afin de soumettre les Perses en douceur comme il a soumis en douceur les Babyloniens, les Libyens et les Egyptiens, les Jérusalémites et les Phéniciens. Pour satisfaire ses propres compatriotes macédoniens et ses alliés grecs, il leur distribue une partie du butin ("La vente du butin rapporta vingt-six mille talents, dont douze mille furent donnés en prime aux soldats. Une somme identique avait disparu par la faute des gardiens", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, VI, 2.10).


Mais le rêve d'une adhésion universelle à sa suprématie ne se concrétisera pas. Un jour de l'été -330, soit quelques mois seulement après la conquête de la cité, un feu se déclare dans Persépolis, empêchant définitivement tout rapprochement entre Perses et Grecs. Nous disposons de trois versions de cet événement grave et controversé, qui nous permettent d'en entrevoir les motifs. La première version est celle de l'historien grec Diodore de Sicile au Ier siècle av. J.-C., qui dit simplement que les relations entre occupants et occupés ont toujours été exécrables, et que l'incendie de Persépolis en est la conclusion logique ("[Alexandre] ne laissa rien à Persépolis, entretenant des très mauvaises relations avec les habitants et plein de méfiance à leur égard, au point même qu'il [détruisit] entièrement leur cité", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.71). Il précise que l'étincelle est provoquée volontairement par la célèbre courtisane athénienne Thaïs, maîtresse de Ptolémée fils de Lagos (camarade d'enfance d'Alexandre et futur roi d'Egypte, à qui, pour l'anecdote, elle donnera trois enfants : "Le grand Alexandre profita de la douce compagnie de Thaïs, la courtisane athénienne qui, selon Clitarque, porte la responsabilité de l'incendie du palais royal de Persépolis. Cette Thaïs donna à Ptolémée, qui installa sa dynastie sur le trône royal d'Egypte après la mort d'Alexandre, deux fils nommés ‟Leontiskos” et ‟Lagos”, ainsi qu'une fille nommée ‟Irénée”, mariée à Eunostos le roi chypriote de Soli [aujourd'hui Gemikonağı]", Athénée de Naucratis, Deipnosophistes XIII.37), qui prétend ainsi venger l'incendie d'Athènes par le Grand Roi Xerxès Ier lors de son invasion de la Grèce en -480 : en entendant Thaïs, Alexandre décide sciemment de passer à l'acte ("Une des courtisanes qui partageait le repas [d'Alexandre], l'Athénienne Thaïs, déclara que la plus belle chose qu'il pourrait accomplir en Asie serait, à la fin du repas, de brûler et anéantir en un instant par les mains des femmes présentes le plus fameux monument de la Perse. Des jeunes gens, l'esprit égaré par le vin, entendirent cette proposition : ils demandèrent des flambeaux pour, dirent-ils, “venger l'impiété commise jadis par les Perses contre les temples de la Grèce”, et incitèrent Alexandre à allumer lui-même le premier feu. Le roi, flatté de ce discours, les invita à sortir de table et se mit à leur tête en leur disant qu'ils allaient offrir à Dionysos une libation de victoire. Un grand nombre de flambeaux furent rapidement allumés autour des femmes musiciennes. Le roi guidé par Thaïs avança au son des aulos et des syrinx comme à un komos ["kîmoj", procession dionysiaque]. Thaïs près du roi jeta la première son flambeau dans le palais, toute la troupe suivit son exemple, le palais entier fut bientôt embrasé par l'ampleur qu'on avait donnée à cet incendie volontaire. C'est ainsi qu'une femme exerçant la plus vile des professions, conduite uniquement par un esprit de débauche, vengea sa cité natale d'Athènes du sacrilège commis jadis par le Grand Roi Xerxès Ier", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.72). La deuxième version, la plus détaillée, est celle de l'historien romain Quinte-Curce au Ier siècle. Celui-ci rejoint Diodore de Sicile en affirmant que la responsable immédiate de l'incendie est bien la courtisane Thaïs, mais il s'empresse de préciser qu'Alexandre n'est pas pleinement conscient de ce qu'il fait : le feu est provoqué un soir de beuverie, dans un hybris qui annonce tous ceux à venir lors de la conquête de l'Orient ("Tout fut gâté par une ivrognerie inexcusable. Alors que l'ennemi qu'il voulait détrôner à son profit se consacrait à la reprise de la guerre, et alors que les vaincus soumis depuis peu de temps méprisaient la nouvelle autorité, [Alexandre] assistait ouvertement à des beuveries en compagnie de femmes peu farouches, des courtisanes partageant la vie des soldats en dépit de la discipline militaire. L'une d'elle, Thaïs, un jour où elle avait trop bu, soutint devant Alexandre que toute la Grèce lui vouerait une reconnaissance éternelle s'il donnait l'ordre de brûler le palais de Persépolis, du moins ceux dont la cité avait été détruite par les barbares vivaient dans cet espoir. Un ou deux convives, qui eux aussi avaient trop bu, applaudirent en entendant l'opinion de cette catin éméchée sur cette affaire si importante. Le roi montra alors plus d'impatience que de discernement : “Vengeons-les, dit-il, et brûlons la cité !”. Tous étaient échauffés par le vin. Ils se levèrent et partirent incendier la cité, qu'ils avaient épargnée quand ils étaient en armes. C'est le roi qui alluma le premier feu. Ses compagnons d'ivresse, ceux qui le servaient à table, et les prostituées, suivirent son exemple. Le palais était en partie construit en cèdre : à la première étincelle, le feu se propagea rapidement", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, V, 7.2-5). Quinte-Curce ajoute que dès le lendemain, guéri de sa gueule de bois, Alexandre se lamente d'avoir commis cet acte (comme il se lamentera en -328 d'avoir assassiné Kleitos lors d'une soirée pareillement trop arrosée, le même Quinte-Curce insiste sur le fait que la tendance d'Alexandre à l'ivrognerie, qui s'est exprimée pour la première fois à Babylone, deviendra systématique précisément à partir de ce séjour raté de quelques mois à Persépolis : "Libéré de tout tracas, plus habitué à la vie de soldat qu'à la paix et à l'inaction, Alexandre se laissa dominer par les plaisirs. Il avait résisté aux armes des Perses, mais il succomba à leurs vices : les repas commençaient dans la journée, et il passait la nuit à boire au milieu des jeux et des filles. L'influence des coutumes étrangères se ressentit dans tous les domaines : en adoptant les usages du pays comme s'il les préférait aux siens, il déplut à ses compatriotes et choqua leur sentiment national au point que beaucoup de ses amis commencèrent à voir en lui un ennemi. Demeurés fidèles à l'éducation qu'ils avaient reçue, habitués aux repas simples et rapides, il les poussa à adopter les mœurs des pays étrangers et vaincus. Cette faute fut à l'origine de beaucoup d'attentats, de mutineries, de rancunes qui provoquèrent des reproches mutuels, qui furent suivis par des accès de colères, des soupçons soulevés par des craintes injustifiées et toutes sortes d'autres drames", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, VI, 2.1-4), et, rejoignant sur ce point Diodore de Sicile, pleure autant sur la destruction de Persépolis que sur son incapacité à avoir su fédérer les Perses autour de sa personne, en d'autres termes la raison profonde de l'incendie de Persépolis ne réside pas dans les mœurs dépravées de Thaïs mais dans la permanence des mauvaises relations entre Grecs et Perses, cet incendie malgré les apparences est moins un signe de force que la marque d'un échec (l'impuissance d'Alexandre à s'imposer aux habitants de Persépolis), le délire vinifié de Thaïs sur le besoin de venger la ruine d'Athènes en -480 a été poli et embelli postérieurement par la propagande alexandrine pour essayer d'atténuer la visibilité de cet échec ("Que le roi eut détruit une si belle cité au cours d'une beuverie couvrit de honte les Macédoniens. Alors ils la transformèrent en affaire d'Etat et se forcèrent à croire que cette destruction était nécessaire et qu'elle avait été menée dans les meilleures conditions. On sait que le roi fut pris de remords lorsque le sommeil dissipa son ivresse et qu'il retrouva sa lucidité", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, V, 7.10-11). Quinte-Curce précise par ailleurs que les Persépolitains ont eu des bonnes raisons d'avoir toujours détesté les envahisseurs grecs, ceux-ci s'étant livrés à un pillage généralisé et à des actes de sauvagerie dès leur arrivée (ce qui au passage relativise la politique d'apaisement voulue par Alexandre, et manifeste bien le décalage entre les attentes des troupes grecques et celles de leur chef : "Les vainqueurs se disputèrent les richesses par les armes. Celui qui mettait la main sur un objet plus précieux que les autres était traité en ennemi. Faute de pouvoir tout emporter, on choisissait au lieu de se jeter sur n'importe quoi. On déchira les parures royales en tirant chacun de son côté, on cassa des vases de grande valeur à coups de hache. On ne respecta rien, on abima tout. On vit certains trainer des membres de statues, qu'on avait arrachés en tirant dessus. A la cupidité s'ajouta la cruauté après la prise de la cité : croulant sous l'or et l'argent, on égorgea sans scrupules les prisonniers et on massacra au passage tous ceux qu'on avait jusque-là épargnés en raison de leur valeur marchande. Beaucoup d'ennemis se donnèrent la mort sans attendre : parés de leurs plus beaux atours, ils se jetèrent du haut des murs avec femmes et enfants. D'autres, devançant les intentions de l'ennemi, mirent le feu à leur maison pour brûler vif avec les leurs", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, V, 6.4-7). Le moraliste Plutarque au IIème siècle suit Quinte-Curce, en disant que les soiffards à l'origine du désastre ne sont pas toute l'armée grecque, mais un petit groupe, rejoints ensuite par le gros de la troupe considérant à tort cette décision d'Alexandre comme le fruit d'une réflexion longuement mûrie sous-entendant une volonté de rentrer en Macédoine ("Avant de reprendre sa marche contre Darius III, [Alexandre] convia ses courtisans à un grand festin, au cours duquel il s'abandonna tellement à la débauche que les femmes vinrent y boire et se réjouir avec leurs amants. La plus célèbre de ces femmes était la courtisane Thaïs, originaire de l'Attique et alors maîtresse de Ptolémée qui plus tard devint roi d'Egypte. Après avoir loué finement Alexandre et s'être permis quelques plaisanteries, elle s'avança échauffée par le vin pour tenir un discours conforme à l'esprit de sa patrie mais bien au-dessus de son état : “En insultant aujourd'hui l'orgueil des Grands Rois de Perse, dit-elle, je suis bien payée des peines que j'ai souffertes lors de mes errances en Asie. Mais ma satisfaction serait bien plus grande, si je pouvais brûler le palais de Xerxès Ier qui brûla la cité d'Athènes, y mettre moi-même le feu en présence du roi, pour qu'on dise partout que les femmes du camp d'Alexandre ont mieux vengé la Grèce des maux qu'elles ont subi de la part des Perses, que tous les stratèges qui ont combattu pour elle sur terre et sur mer”. Ce discours fut accueilli avec des cris et des applaudissements par les courtisans, qui s'excitèrent les uns les autres. Sous leur influence, le roi se leva de table avec précipitation et, couronne de fleurs sur la tête, torche à la main, marcha en tête de tous les convives qui, dansant et chantant, allèrent entourer le palais. Tous les autres Macédoniens, informés de ce qu'on allait faire, accoururent avec des flambeaux, pleins de joie, croyant qu'Alexandre voulait détruire le palais des Grands Rois parce qu'il voulait retourner en Macédoine et ne voulait plus rester parmi les barbares. Voilà ce que disent les uns sur les causes de cet incendie. Les autres prétendent qu'Alexandre mit le feu à ce palais délibérément. Tous conviennent en tous cas qu'il s'en repentit promptement, et qu'il ordonna de l'éteindre", Plutarque, Vie d'Alexandre 38). La troisième version, la plus brève, est celle de l'historien romain hellénophone Arrien au IIème siècle, qui relate l'événement en une phrase unique, en expliquant qu'il est l'un des actes les moins glorieux et utiles d'Alexandre ("Pour ma part, je trouve qu'Alexandre dans cette affaire agit avec emportement, et ne vengea nullement l'outrage des anciens Perses", Arrien, Anabase d'Alexandre, III, 18.12). Il dit aussi que cet épisode a encore été l'occasion d'un différend contre Parménion, qui, demeuré sobre, a tenté vainement d'expliquer qu'"on n'est pas venu jusqu'au cœur de l'Empire perse pour brûler des richesses qu'on pourrait emporter chez nous, ni montrer aux Perses que nous sommes plus barbares qu'eux en nous comportant comme des pyromanes souls et insensibles" ("[Alexandre] brûla le palais des Grands Rois, contre l'avis de Parménion qui demanda en vain qu'on l'épargnât, estimant qu'agir ainsi signifiait ruiner ses conquêtes sans aucun avantage et aigrir les Asiatiques qui s'imagineraient qu'Alexandre n'avait d'autre but que ravager l'Asie sans vouloir la conserver. Mais celui-ci répondit : “Une armée perse est venue en Grèce, a détruit Athènes, brûlé nos temples, dévasté tout le pays : je dois cette vengeance aux Grecs”", Arrien, Anabase d'Alexandre, III, 18.11-12). Ces trois versions sont complémentaires : elles disent collégialement que la politique de conciliation générale alexandrine est un fiasco. Nous pouvons sans doute aller plus loin en posant la question suivante : cette politique pouvait-elle réussir ? Alexandre voulait que les Grecs respectent les Perses : mais comment cela aurait pu être, après la vision des prisonniers grecs atrocement mutilés par leurs geôliers perses au moment de l'entrée dans Persépolis, et plus généralement après la découverte de tous les monuments et trésors, tels la statue d'Harmodios et Aristogiton retrouvée à Suse et les bas-reliefs de Persépolis montrant les Grecs anatoliens apportant des cadeaux au Grand Roi, rappelant partout et en permanence le long assujettissement d'une moitié de cités grecques à l'Empire perse depuis deux siècles et la lutte de l'autre moitié pour ne pas être pareillement assujettie ? Il voulait que les Perses apprécient sa déférence aux usages achéménides, son maintien de la pompe royale, ses sacrifices à Ahura-Mazda : mais Persépolis n'est pas Babylone, ni Memphis, ni Jérusalem, ni Tyr, c'est une cité qui n'a jamais été soumise, une cité qui au contraire a été maîtresse de Tyr, de Jérusalem, de Memphis, de Babylone, comment donc cette cité aurait-elle pu rendre hommage à celui qui l'avait dépouillée de toutes ses possessions ? Alexandre s'inclinant devant la dépouille de Cyrus II, c'est comme les généraux français de la première Guerre Mondiale qui s'inclineront devant le buste de Bismarck après 1918, ou comme les généraux allemands qui s'inclineront devant le catafalque de l'Aiglon en décembre 1940, c'est une absurdité, ça n'apaise pas l'amertume du vaincu, ça l'accroît au contraire, et ça divise le camp du vainqueur : comme les vieilles barbes de la IIIème République derrière Aristide Briand, comme les francophiles officiers de la Wehrmacht derrière Ernst Jünger, Alexandre provoque l'ire de ses compatriotes quand ils le voient trôner, marcher, manger à la manière du Grand Roi vaincu ("Selon Phylarchos [au livre XXIII de ses Histoires], les dépenses effectuées quotidiennement à la Cour d'Alexandre étaient nettement supérieures à la valeur des célèbres platanes d'or et à la vigne également en or, ornée de grappes de cristal, d'émeraudes indiennes et d'autres pierres précieuses, sous laquelle les Grands Rois de Perse siégeaient et traitaient les affaires. La seule tente d'Alexandre contenait cent divans et était soutenue par cinquante piliers d'or. Les auvents placés sur la partie supérieure en guise de plafond étaient dorés et décorés de motifs peints avec un art remarquable. A l'intérieur, se tenaient en rangs serrés les cinq cents Perses mélophores ["mhlofÒroj", gardes royaux, ainsi nommés parce qu'ils portent/forÒj une lance garnie d'une pomme/mÁlon d'or ou d'argent] dans leurs somptueux uniformes pourpres et jaunes, se trouvaient là aussi mille archers, dont les uns arboraient une tenue couleur de feu et les autres des habits bleus ou violets, des Macédoniens aux manteaux bleu vif étaient à leur tête. Au milieu de la tente était érigé un trône d'or, où prenait place Alexandre quand il tenait audience, protégé par ses somatophylaques. Dehors, à proximité de la tente royale, était postée en cercle la troupe des éléphants munis de tout leur équipement, ainsi que mille Macédoniens en costume traditionnel, dix mille Perses, et un corps d'armée de cinq cents hommes qui portaient la pourpre, privilège que leur avait octroyé Alexandre. Entouré de tant d'amis et de tant de serviteurs dévoués à la magnificence si intimidante, nul n'osait aborder le roi", Athénée de Naucratis, Deipnosophistes XII.56). Les auteurs après la mort d'Alexandre gloseront à l'envi pour donner à l'incendie de Persépolis une cause élevée. Certains verront dans l'intervention fatale de la courtisane athénienne Thaïs l'illustration de la déchéance achéménide : l'homme Darius III vaincu par une femme, le digne Grand Roi vaincu par une vulgaire catin, l'Empire jadis maître d'Athènes vaincu aujourd'hui par l'une de ses citoyennes, l'Empire ayant porté jadis la guerre jusque dans la lointaine Europe à la tête de centaines de milliers de guerriers vaincu aujourd'hui dans sa capitale par un simple et fragile flambeau. Dans l'empressement des régiments grecs à aider les soiffards pour attiser le feu, certains verront le plus grand malentendu entre Alexandre et son armée, l'amplificateur des rébellions d'Egypte et du Tigre : ceux-ci croient qu'Alexandre veut retourner vers l'ouest, ils croient qu'il brûle les palais de Persépolis parce qu'il ne peut pas les emporter avec lui en Macédoine, ils croient qu'il veut réduire à l'état de ruines ce qui reste de l'Empire perse pour sécuriser l'avenir de la Grèce, alors que celui-là veut ruiner seulement la dynastie achéménide pour s'installer à sa place en pérennisant l'Empire, sur le mode : "Vous Babyloniens, vous Egyptiens, vous Jérusalémites, vous Phéniciens, et vous aussi Bactriens et Sogdiens qui protégez encore le vaincu Darius III, vous dont les dieux étaient jusqu'à maintenant sous la tutelle de la dynastie achéménide, vous êtes désormais sous ma protection, votre oppresseur n'est plus qu'un tas de cendres, moi Alexandre qui descend de Melkart/Héraclès, qui hier a été reconnu Mashiah de Yahvé et fils d'Ammon, qui a rebâti la demeure de Marduk, et qui demain prouvera pareillement sa filiation avec les héros et les dieux bactriens et sogdiens, je suis votre nouveau Grand Roi", s'installer définitivement sur les restes de Persépolis pour construire un nouveau palais à sa gloire qui étendra son influence vers le nord et l'est, en transformant la culture grecque en espéranto ou volapuk. Ces lectures de l'événement sont peut-être pertinentes, mais elles ne doivent pas nous faire oublier que la seule raison profonde est la même que celle des révolutionnaires français qui exécuteront Louis XVI en janvier 1793, ou celle des révolutionnaires bolcheviks qui exécuteront Nicolas II en juillet 1918 : on veut signifier au vaincu que le monde a changé, que son ancienne puissance est morte, qu'aucun retour en arrière n'est possible, et qu'il doit par conséquent cesser de se comporter comme un dominant momentanément affaibli, parallèlement on veut rappeler aux comparses du vainqueur que l'entreprise dans laquelle ils sont engagés ne vise pas seulement à agiter des petits drapeaux pour un soir en chantant : "On est les champions !", mais à redessiner la carte du monde et à façonner l'avenir. Alexandre est confronté à un dilemme, il doit prendre parti pour ses troupes grecques contre les Perses, ou pour les Perses contre ses troupes grecques : face aux Grecs qui menacent de le laisser tomber et de retourner en Grèce en laissant aux Achéménides la possibilité de se relever, et face à la rancœur tenace des Perses qui rêvent encore à leur passé, il se résigne à suivre les premiers contre les seconds, mais de façon que l'avenir lui apportera l'héritage des seconds pour imposer sa volonté aux premiers. Les révolutionnaires français voudront détruire les emblèmes des Capet mais pas la puissance étendue qui y était attachée avant 1789, les révolutionnaires bolcheviks voudront détruire les emblèmes des Romanov mais pas la puissance étendue qui y était attachée avant 1917, de même Alexandre veut détruire les emblèmes des Perses achéménides mais pas la puissance étendue qui leur était attachée jusqu'à la bataille de Gaugamèles, il veut tuer la Perse mais pas l'Empire, il veut tuer Darius III mais pas le titre de Grand Roi, il veut transformer Persépolis en une page blanche sur laquelle il pourra inscrire le nom d'Alexandre. Le contact est définitivement rompu entre lui et les Persopolitains survivants : il les méprise et ne leur accorde plus aucune confiance, il vide les salles impériales de leurs trésors, qu'il emporte à Suse pour préparer sa nouvelle expédition militaire vers Ecbatane où il croit que Darius III se trouve encore ("[Alexandre] s'empara de quantités d'argent fantastiques, à peine croyables. A moins de remettre en question toutes nos sources, nous admettons que les coffres-forts de la cité contenaient cent vingt mille talents. Alexandre ayant décidé de tout réquisitionner pour les besoins de la guerre, il fallut, pour les transporter, amener des chevaux et des chameaux de Suse et de Bactres. La prise de Pasargades rapporta six mille talents supplémentaires : cette cité fondée par Cyrus II fut livrée par son gouverneur Gobarès", Quinte-Curce, Histoire d'Alexandre le Grand, V, 6.8-9 ; "Alexandre entra dans la citadelle, dont il prit la totalité du trésor amassé depuis Cyrus II le premier roi de Perse. Constitué d'or, d'argent, et de richesses de toutes natures, sa valeur s'élevait à vingt-six mille talents. Le roi, ayant décidé de tout réquisitionner pour les besoins de la guerre, voulut les transporter à Suse pour y être gardés. Dans ce dessein, il amena de Babylonie et de Susiane un très grand nombre de bêtes de somme, entre autre trois mille mulets. Il ne laissa rien à Persépolis, entretenant des très mauvaises relations avec les habitants et plein de méfiance à leur égard, au point même qu'il avait détruit entièrement leur cité", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.71), et il détruit les colonnes célébrant les extravagants dîners des Achéménides, pour bien signifier que ceux-ci ont été définitivement renversés et qu'il ne compte pas les imiter ("Alexandre, dans le palais des Grands Rois de Perse, y fut servi au dîner et au souper selon les règles royales gravées sur une colonne de cuivre, à côté des autres lois de Cyrus II. En voici le contenu : [suit la longue liste des mets de la table du Grand Roi, que Polyen rapporte sur environ soixante-dix longues lignes]. Voici donc ce qu'on donnait à l'attablée, la dépense quotidienne du Grand Roi pour son propre dîner et son propre souper, et pour ceux des autres. Les Macédoniens, à la lecture de ce grand et splendide appareil de table, envièrent la félicité des Grands Rois de Perse. Mais Alexandre s'en moqua en déclarant qu'il s'agissait là d'une occupation pénible et fâcheuse, il ordonna qu'on ôtât la colonne où ces règles étaient écrites, et dit à ses amis : “Un roi ne doit pas vivre ainsi dans la mollesse et déjeuner si délicieusement, car les plaisirs affaiblissent toujours le courage. Souvenez-vous toujours que ceux qui se livraient à de tels soupers, vous les avez facilement vaincus au combat”", Polyen, Stratagèmes, IV, 3.32). Mais, nous verrons cela bientôt en Parthie-Hyrcanie, le lien est aussi distendu entre lui et son propre entourage macédonien.

  

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