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Les Trachiniennes (date inconnue)

© Christian Carat Autoédition

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Le temps perdu

Le temps gagné

Parodos

Acte I : Origines

Acte II : Les Doriens

Acte IV : Alexandre

Acte V : Le christianisme

Acte III : Sophocle

La tradition enseigne que Déjanire est la fille d’Oenée, le roi de Calydon en Etolie, et d’Althée, fille de Thestios le roi de Pleuron également en Etolie (au nord-ouest de Calydon, près de l’actuelle Missolonghi). Mais selon pseudo-Apollodore, Déjanire est une bâtarde, fruit d’un rapport entre sa mère Althée et Dionysos, dieu qui en l’occurrence pourrait désigner un vulgaire partenaire de passage à l’occasion d’une soirée bien arrosée de vin ("Oenée régnait à Calydon, il reçut le premier de Dionysos le fruit de la vigne. Ayant épousé Althée fille de Thestios, il en eut Toxée qu’il tua lui-même pour avoir franchi un fossé, il en eut ensuite Thyrée et Clymenos, et deux filles : Gorgé qu’Andraemon épousa, et Déjanire qu’Althée engendra de Dionysos", Bibliothèque, I, 8.1). Dans son drame satyrique Le Cyclope, Euripide fait une allusion rapide à cette rumeur sur l’origine bâtarde de Déjanire ("Est-ce le moment de scander des danses comme au jour où vous escortiez Dionysos en rangs joyeux, vers la demeure d’Althée, en vous déhanchant au son des barbitons ?", Le Cyclope 36-40). Que Déjanire ait été ainsi conçue accidentellement, lors d’une séance de beuverie, n’est pas impossible quand on se souvient que l’Etolie entretient un lien étroit avec le dieu du vin Dionysos, ou, plus concrètement, qu’elle est parmi les plus anciennes régions de Grèce ayant cultivé la vigne. Le nom même du père génétique ou adoptif de Déjanire, Oenée ("O„neÚj"), est très voisin du mot "vin" en grec ("o‹noj", qui en français a donné "oenologie"/"étude du vin"), et dès l’Antiquité plusieurs auteurs ont avancé des arguments pertinents pour expliquer cette ressemblance ("Nicandre de Colophon dit que le mot “oinos” vient d’Oenée, dans ce passage : “Oenée ayant exprimé du jus de raisin dans des vases, l’appela « oinos »”. Mélampide de Milet dit : “O maître ! le mot « oinos » approche bien du nom d’Oenée”. Hécatée de Milet, rappelant que la vigne a été trouvée en Etolie, raconte ceci : “Oresthée fils de Deucalion étant venu régner en Etolie, sa chienne mit bas une souche au lieu d’un chien. Il ordonna que ce bois fût enfoui, et il en vint un cep ["o‡nh"] qui se couvrit de raisins. Voilà aussi pourquoi il appela son fils Phytios ["FÚtioj"/"planteur"]. Du nom de la vigne que les anciens appelaient « oinos », le fils de Phytios fut appelé Oenée, et celui-ci eut un fils qu’on nomma Etolos”", Athénée de Naucratis, Deipnosophistes II.2).


En Etolie coule le fleuve Achéloos, dont le cours est imprévisible. Pour canaliser ce fleuve, le roi Oenée a lancé un appel, offrant la main de Déjanire en récompense. Héraclès a répondu à l’appel, il a canalisé l’Achéloos et reçu Déjanire en mariage ("Héraclès disputa sa main au fleuve Achéloos, en se battant contre lui", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, I, 8.1). Dans Les Trachiniennes de Sophocle, Déjanire évoque longuement cet épisode, en donnant au fleuve Achéloos l’apparence d’un être polymorphe ("Mon prétendant était un fleuve, Achéloos, qui venait me demander à mon père sous trois aspects : tantôt c’était un taureau, tantôt un serpent aux replis scintillants, tantôt une forme humaine mais ayant un front de taureau et dont la barbe épaisse laissait couler des flots d’eau vive. Dans l’attente d’un tel prétendant, la malheureuse que j’étais souhaitait à toute heure mourir plutôt qu’approcher d’un tel lit. A la fin, assez tard, mais à ma grande joie, arrive l’illustre fils de Zeus et d’Alcmène. Il entre en concurrence et en lutte avec l’autre, et il me délivre de lui. Comment se passa le combat ? Je ne saurais le dire. Je l’ignore et je laisse le soin d’en parler à qui aura pu sans émoi assister à pareil spectacle. Moi, j’étais là, passive, atterrée par la crainte que ma beauté en fin de compte ne me valût que des souffrances. Cependant le dieu des tournois régla heureusement l’affaire", Les Trachiniennes 9-26). Les jeunes filles de Trachine, qui ont donné leur nom à la tragédie, rapportent aussi l’intervention d’Héraclès ("L’un est un fleuve puissant, avec ses quatre pattes et ses hautes cornes il offre l’aspect d’un taureau, c’est Achéloos d’Oenéade. L’autre vient du pays de Bacchos [Dionysos], de Thèbes, il brandit à la fois l’arc que l’on ploie dans la bataille, des lances, une massue, il est fils de Zeus. Et tous deux s’affrontent par désir ardent d’une épouse. Et, seule à côté d’eux, la déesse d’amour Cypris tient dans ses mains la baguette d’arbitre. Et c’est alors un fracas de bras et d’arcs et de cornes de taureau qui s’entrechoquent, ce sont des prises qui enlacent, des fronts qui se heurtent de façon sinistre, une double plainte haletante, tandis qu’assise au flanc d’une colline dont la vue s’étend au loin, la gentille et douce fille est là, passive, attendant celui qui sera son époux", Les Trachiniennes 507-525). Il est possible que derrière cette histoire se cache une réalité historique beaucoup moins poétique : peut-être que quand Déjanire, dans Les Trachiniennes, dit : "Mon prétendant était un fleuve", il faut prendre son propos au premier degré, c’est-à-dire qu’elle était destinée à être sacrifiée au fleuve, pour que celui-ci accepte de retourner dans son lit, comme plus tard Iphigénie sera sacrifiée par son père le roi Agamemnon pour que le vent accepte de se lever et permette à la flotte grecque de gagner Troie. Cette hypothèse fait des Calydoniens des esprits faibles enclins à la superstition, de même qu’une autre légende qui leur est attachée, celle de ce sanglier soi-disant envoyé par la déesse Artémis pour ravager leurs terres en punition du manque de ferveur qu’Oenée aurait témoigné pour cette déesse. Si cette lecture de la légende d’Achéloos est bonne, Déjanire n’aurait eu la vie sauve que grâce à l’arrivée in extremis d’Héraclès. Cela expliquerait mieux l’attachement indéfectible qu’elle lui voue, alors que lui ne témoigne plus, après la consommation de leur mariage, d’aucun sentiment particulier à son égard.


Les relations entre Oenée et son nouveau gendre sont bonnes : Héraclès combat avec Oenée contre la tribu des Thesprotes et la tribu des Ephyres en Epire ("Héraclès fit ensuite avec les Calydoniens une expédition contre les Thesprotes", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7.6 ; "Héraclès combattit ensuite pour les Calydoniens contre les Thesprotes. Il se rendit maître par force de la cité des Ephyres et tua de sa propre main Phylée, roi de ce peuple", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.36). Mais trois ans après le mariage, lors d’un nouvel hybris dont il est coutumier, Héraclès tue accidentellement d’un coup de poing un serviteur d’Oenée qui ne le sert pas à sa convenance ("Les Phliontins racontent aussi qu’Héraclès à son retour de la Libye, d’où il avait apporté les pommes des Hespérides, vint à Phlionte pour une affaire particulière, Oenée qui lui avait donné précédemment sa fille en mariage y vint de l’Etolie : un jour qu’il mangeait chez Héraclès, ou qu’Héraclès mangeait chez lui, le jeune Cyathos son échanson, ne versant pas à boire au gré d’Héraclès, ce héros le frappa d’un de ses poings à la tête. Le jeune garçon mourut sur-le-champ, et les Phliontins consacrèrent à sa mémoire un édifice qui est vers le temple d’Apollon : on y voit deux statues en marbre représentant Cyathos qui offre une coupe à Héraclès", Pausanias, Description de la Grèce, II, 13.8). Une fois la tension redescendue, Héraclès regrette son geste au point de s’exiler volontairement : il quitte l’Etolie avec Déjanire, pour se rendre à Trachine en Thessalie ("Quelque temps après, étant à un festin chez Oenée, il tua d’un coup de poing Eunomos fils d’Architèle qui lui versait de l’eau sur les mains. Architèle, qui était proche parent d’Oenée, voyant qu’Héraclès avait tué son fils involontairement, lui pardonna. Mais Héraclès voulut, conformément à la loi, se soumettre à l’exil, et résolut de se retirer à Trachine, chez Céyx", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7.6 ; "Trois ans après son mariage avec Déjanire, ce héros dînant avec Oenée et étant servi à table par Eunomos, fils d’Architèle alors à peine sorti de l’enfance, ce jeune homme commit une faute en servant. Héraclès le tua involontairement en lui donnant un coup de poing. Cet accident l’affligea beaucoup, et il s’exila lui-même de la cité de Calydon", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.36). En cours de route, les deux voyageurs doivent traverser le fleuve Evénos : c’est à cette occasion qu’ils croisent le Centaure Nessos, qui tente de séduire Déjanire, et qu’Héraclès tue. Héraclès et Déjanire arrivent enfin à Trachine, où ils sont accueillis par le roi Céyx. Héraclès repart aussitôt vers d’autres aventures, en laissant Déjanire à Trachine. Les Trachiniennes de Sophocle a pour sujet l’abandon de Déjanire dans cette cité, qui attend fidèlement, mais en vain, le retour de son mari Héraclès.


Déjanire et Héraclès ont plusieurs enfants. L’aîné se nomme Hyllos. La plupart des auteurs anciens sous-entendent que sa conception a lieu à Trachine, puisqu’au moment de la traversée du fleuve Evénos et de l’incident avec Nessos ils montrent les deux époux sans aucun enfant. Seul Diodore de Sicile affirme qu’Hyllos était déjà né lors de cet exil vers Trachine ("Prenant avec lui Déjanire sa femme et leur fils Hyllos qui n’était alors qu’un enfant, ils arrivèrent ensemble au bord du fleuve Evénos", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.36). Mais peut-être que l’affirmation de Diodore de Sicile ne s’appuie sur rien d’autre que Les Trachiniennes de Sophocle, qui, par nécessité dramatique, montre une Déjanire vieillie, incapable d’être comprise par les jeunes filles de Trachine encore vierges et innocentes des vicissitudes de la vie, mère d’un Hyllos suffisamment âgé pour partir seul à la rencontre de son père, autrement dit né il y a longtemps, peut-être avant l’installation de sa mère à Trachine. Déjanire a aussi une fille, Macaria, qui jouera un rôle, après la mort de son père, dans la défense d’Athènes face à Eurysthée le roi de Tyrinthe ("Vous verrez à Marathon la fontaine Macaria, et voici ce qu’on en raconte. Héraclès s’étant enfui de Tirynthe à cause d’Eurysthée, alla demeurer chez son ami Céyx, roi de Trachine. Quand Héraclès eut quitté le séjour des mortels, Eurysthée voulut s’emparer des enfants de ce héros. Céyx les fit partir pour Athènes, en leur disant qu’il était trop faible pour les défendre mais qu’ils trouveraient en Thésée un protecteur tel qu’ils pouvaient le souhaiter. Ils se présentèrent à lui comme suppliants, et Thésée n’ayant pas voulu les livrer, Eurysthée lui déclara la guerre : c’est la première qui ait éclaté entre les Péloponnésiens et les Athéniens. On raconte qu’un oracle avait prédit à ces derniers qu’ils n’obtiendraient pas la victoire à moins qu’un des enfants d’Héraclès ne se dévouât volontairement à la mort. Alors Macaria, fille d’Héraclès et de Déjanire, s’étant tuée elle-même, assura la victoire aux Athéniens, et on donna son nom à la fontaine en question", Pausanias, Description de la Grèce, I, 32.6). Le nombre exact des autres enfants, dont les noms varient d’un auteur à l’autre, reste flou ("Parmi ses autres femmes, [Héraclès] eut de Déjanire fille d’Oenée, Hyllos, Ctésippos, Glénos et Onéitès", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7.8 ; "Il eut aussi, après la naissance d’Hyllos, deux autres enfants de Déjanire : Gynée et Oditès", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.37). On doit noter que, selon Sophocle, Héraclès ne s’occupe absolument pas d’élever ses enfants, il laisse cette tâche à Déjanire, dont il veille à remplir le ventre constamment ("Nous avons eu des enfants. Mais lui, comme un paysan qui a pris la charge d’un champ éloigné, ne les a jamais vu qu’une fois à l’époque des semailles, une fois à l’époque des moissons. Ainsi le voulait l’existence qui, quand il rentrait chez lui, l’en éloignait toujours très vite, attaché qu’il était au service des autres", Les Trachiniennes 31-35).


Dans Les Trachiniennes, Déjanire se suicide au milieu de la tragédie, incapable d’avoir réussi à ramener Héraclès vers elle. Selon Pausanias, elle est enterrée à Trachine, non loin de l’endroit où Héraclès s’immolera finalement ("Voici quelques points sur lesquels je ne suis pas d’accord avec les Argiens. Ils affirment que le tombeau de Déjanire fille d’Oenée est dans leur cité, ainsi que celui d’Hélénos fils de Priam. Ils se prétendent aussi possesseurs de la statue d’Athéna qu’on apporta de Troie, de laquelle dépendait le sort de cette cité. Pour parler d’abord du Palladion - c’est ainsi qu’on nommait cette statue -, il est certain qu’il fut porté en Italie par Enée. Quant à Déjanire, on sait qu’elle mourut non pas à Argos mais à Trachine, et son tombeau est auprès d’Héraclès au pied du mont Oeta", Description de la Grèce, II, 23.5).

  

Personnages

Résumé

Analyse

Héraclès

Iole

Nessos

Déjanire

Hyllos

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