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Les Trachiniennes (date inconnue)

© Christian Carat Autoédition

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Le temps perdu

Le temps gagné

Parodos

Acte I : Origines

Acte II : Les Doriens

Acte IV : Alexandre

Acte V : Le christianisme

Acte III : Sophocle

La tradition distingue nettement l’histoire d’Héraclès avec Iole, et l’histoire d’Héraclès avec Déjanire.


L’histoire entre Héraclès et Iole est la plus ancienne. Elle commence juste après l’achèvement des douze travaux, et l’hybris ayant amené le héros à massacrer ses enfants conçus avec sa femme du moment, Mégara, la fille de Créon le régent de Thèbes. S’étant calmé et ayant pris conscience de la monstruosité de son acte, Héraclès décide de renoncer à Mégara, qu’il confie à son neveu Iolaos, et part tenter de refaire sa vie ailleurs. Or, Eurytos, roi d’Oechalie en Thessalie, cherche à marier sa fille Iole et a lancé un concours dans ce but. Héraclès se présente donc à ce concours et, naturellement, remporte toutes les épreuves. Mais Eurytos, ayant appris comment Héraclès s’est comporté avec ses enfants conçus avec Mégara, redoute que le même scénario se reproduise avec sa fille Iole, il refuse par conséquent de marier Iole à Héraclès, qui, furieux, le considère à partir de ce moment comme un ennemi et, selon Diodore de Sicile, lui vole des chevaux ("Tous ces travaux étant terminés, il revint à Thèbes, et donna Mégara en mariage à Iolaos. Voulant ensuite se remarier, il apprit qu’Eurytos roi d’Oechalie avait proposé la main de sa fille Iole pour prix de l’adresse à tirer à l’arc et à celui qui le vaincrait, lui et ses fils. Héraclès s’étant rendu à Oechalie, les vainquit tous, et cependant on lui refusa Iole. Iphitos, l’aîné des fils d’Eurytos, voulait qu’on la lui donnât, mais Eurytos et ses autres fils s’y refusèrent, dans la crainte que s’il venait à avoir des enfants il ne les fît encore périr", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 6.1 ; "Après avoir achevé ses douze travaux, Héraclès céda à Iolaos Mégara sa femme, dont les enfants avaient eu un sort si funeste, et il espéra qu’une autre lui en donnerait de plus heureux. Il demanda Iole, fille d’Eurytos roi d’Oechalie. Mais ce roi ayant appris l’infortune de Mégara demanda du temps pour se déterminer. Héraclès qui prit cette réponse pour un refus, emmena secrètement pour se venger les chevaux d’Eurytos", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.31). Pseudo-Apollodore rapporte ensuite qu’Héraclès tue Iphitos, le fils d’Eurytos, dans un nouvel accès d’hybris. Après coup, comme à son habitude, Héraclès pleure à chaudes larmes parce qu’il regrette l’acte qu’il vient de commettre. Il crie partout : "Je veux qu’on me punisse !", et comme personne ne veut le punir, pas même la Pythie de Delphes, il commence à piller le temple d’Apollon à Delphes. La Pythie finit par lui conseiller de se vendre comme esclave, et de donner le produit de cette vente à Eurytos en réparation. Héraclès se vend donc comme esclave, pour une durée de trois ans, à Omphale la reine de Lydie ("Du bétail ayant été volé quelque temps après dans l’Eubée par Autolycos, Eurytos prétendit que c’était Héraclès qui avait commis ce vol. Iphitos ne voulant pas le croire, se rendit vers ce héros, qu’il trouva arrivant de Phères où il venait de sauver Alceste et de la rendre à Admète, et le pria de l’aider à chercher ce bétail. Héraclès y consentit et lui donna l’hospitalité. Mais bientôt après, étant tombé dans un nouvel accès de fureur, il le précipita du haut des murs de Tirynthe. Voulant se faire purifier de ce meurtre, il alla à cet effet vers Nélée le roi de Pylos. Mais Nélée refusa car Eurytos était son ami. Héraclès se rendit donc à Amyclée, où il fut purifié par Déiphobe fils d’Hippolyte. Atteint d’une maladie très grave en punition du meurtre d’Iphitos, il alla consulter l’oracle de Delphes pour savoir comment il en guérirait. La Pythie ayant refusé de lui répondre, il entreprit de piller le temple, et emporta le trépied dans l’intention de fonder son propre oracle. Apollon se battit avec lui, jusqu’au moment où Zeus lança son foudre au milieu d’eux et les sépara. Héraclès obtint une réponse : l’oracle lui dit que sa maladie cesserait quand, après avoir été vendu comme esclave et avoir donné à Eurytos le produit de cette vente en indemnité de la mort de son fils, il aurait servi trois ans entiers. Suivant cet oracle, Hermès le vendit, et il fut acheté par Omphale fille d’Iardanos, qui régnait sur les Lydiens depuis la mort de Tmolos son époux, qui lui avait laissé ses autorités en mourant", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 6.2-3). Diodore de Sicile raconte à peu près la même histoire ("Iphitos, fils d’Eurytos soupçonnant Héraclès d’avoir dérobé ces chevaux et étant allé les chercher dans Tirynthe, Héraclès le fit monter sur une tour très haute et lui permit de porter ses regards de tous côtés pour voir s’il les voyait. Mais Iphitos ne les apercevant point, il lui dit que c’était à tort et faussement qu’on l’accusait de les avoir dérobés, et là-dessus il le jeta du haut de la tour en bas. Etant ensuite tombé malade en punition de ce meurtre, il s’en alla à Pylos chez le roi Nélée et le pria de l’expier. Nélée ayant consulté ses enfants, tous, à l’exception du seul Nestor qui était le plus jeune, furent d’avis qu’on refusât cette expiation. Héraclès prit le parti d’aller chez Déiphobe fils d’Hippolyte pour le prier de la lui donner, mais on en fit inutilement la cérémonie et sa maladie ne le quitta pas. Il alla donc enfin consulter l’oracle d’Apollon sur ce qu’il devait faire pour recouvrer la santé. L’oracle lui répondit que s’il voulait être guéri il fallait qu’on le vendît publiquement et qu’on donnât le prix de sa vente aux enfants d’Iphitos. La virulence de sa maladie l’ayant obligé d’obéir à cet oracle, il prit avec quelques-uns de ses amis le chemin de l’Asie. Quand il fut arrivé dans ce pays, il se laissa vendre volontairement par un de ses amis et il devint esclave d’Omphale, fille d’Iardanos et reine des Lydiens, peuple qu’on appelait alors les Méoniens. Celui qui l’avait vendu remit ensuite aux enfants d’Iphitos, selon le commandement de l’oracle, l’argent obtenu de la vente d’Héraclès. Ce héros cependant ayant recouvré la santé et demeurant esclave de la reine Omphale entreprit de punir tous les voleurs qui infectaient cette contrée", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.31). Sophocle dans Les Trachiniennes évoque aussi cet épisode du meurtre d’Iphitos ("Plein de rancune, quand Iphitos à son tour vint gravir la rampe de Tirynthe pour suivre la piste des chevaux errants, au moment où il avait l’œil d’un côté et l’esprit de l’autre côté, Héraclès le poussa du haut des remparts. Mais cela souleva la colère de Zeus l’Olympien, père de tous, qui envoya le coupable en servage, ne pardonnant pas à son fils d’avoir pu, ne fût-ce qu’une fois, tuer un homme par traîtrise", Les Trachiniennes 269-278). Durant son temps d’esclavage chez Omphale, Héraclès participe à l’expédition de Jason vers la Colchide ("C’est pendant sa période de servitude auprès d’Omphale que l’on place généralement son voyage en Colchide", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 6.3), puis, affranchi, il prépare, conduit et remporte la première guerre de Troie ("Son esclavage fini, et sa maladie ayant cessé, il entreprit une expédition contre Troie avec dix-huit navires à cinquante rames et une armée de héros qui le suivirent volontairement", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 6.4 ; "Omphale, voyant les exploits d’Héraclès et ayant appris qui il était et de qui il était sorti, éprouva de l’admiration, le remit en liberté et l’épousa. Elle en eut un fils qui fut nommé Lamon. Héraclès eut aussi, d’une des compagnes de son esclavage, un fils appelé Cleolaos. Étant ensuite retourné dans le Péloponnèse, il prépara le combat contre Laomédon le roi de Troie. Le sujet de cette guerre fut qu’Héraclès s’étant joint à Jason pour la conquête de la Toison d’or, Laomédon lui manqua de parole au sujet des chevaux qu’il lui avait promis", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.31-32), puis il se rend en Etolie où il canalise le fleuve Achéloos, puis il se marie avec Déjanire, qu’il emporte avec lui vers Trachine. Mais sa rancœur à l’égard d’Eurytos n’est toujours pas éteinte : il monte une nouvelle armée, et conquiert la cité d’Oechalie, il tue Eurytos et s’empare enfin d’Iole ("Arrivé à Trachine, et voulant se venger d’Eurytos, il rassembla une armée pour marcher contre Oechalie. Les Arcadiens, les Méliens de Trachine et les Locriens épicnémidiens, l’assistèrent dans cette expédition. Avec leur aide, il tua Eurytos et ses fils et s’empara de leur cité. Après avoir donné une sépulture à Hippasos fils de Céyx, à Argios et à Mélas fils de Lycimnios qui avaient péri dans cette expédition, et pillé la cité, il emmena Iole captive", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7.7 ; "Il mena son armée dans l’Oechalide contre les enfants d’Eurytos pour se venger du refus de ce dernier de lui donner Iole en mariage. Les Arcadiens l’ayant encore accompagné dans cette guerre, il emporta la cité et il fit passer au fil de l’épée Toxée, Molion et Pytios, les fils d’Eurytos. Il emmena avec lui sur un promontoire de l’Eubée appelé Cénée, Iole qu’il avait capturée", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.37).


L’histoire entre Héraclès et Déjanire est la plus récente, puisqu’elle se situe après le meurtre d’Iphitos, après le séjour chez Omphale, après l’expédition vers la Colchide et après la première guerre de Troie. Après avoir accompli toutes ces aventures, Héraclès se rend en Etolie pour canaliser le fleuve Achéloos, à l’appel du roi Oenée. Comment cet appel du roi Oenée est-il parvenu à ses oreilles ? Bacchylide affirme que, de passage aux Enfers, Héraclès a croisé Méléagre le frère de Déjanire, les deux hommes ont sympathisé au point que, quand Héraclès a demandé à Méléagre comment sceller leur amitié nouvelle, Méléagre l’a incité à s’unir à sa sœur Déjanire ("“Y a-t-il dans le palais d’Oenée ami d’Arès, parmi ses filles, une vierge qui te ressemble par les traits ? J’aimerais la prendre pour épouse.” L’âme du belliqueux Méléagre répondit : “J’ai laissé dans la demeure Déjanire au cou tendre, ignorante encore de la déesse dorée Cypris qui charme les humains”", Odes 5). Les récits anciens présentent Achéloos comme un être polymorphe, et associent son combat contre Héraclès au mythe de la chèvre Amalthée et de sa corne d’abondance ("Héraclès étant venu à Calydon, demanda en mariage Déjanire fille d’Oenée et lutta contre le fleuve Achéloos pour obtenir sa main. Ce dernier s’étant changé en taureau, Héraclès rompit une de ses cornes. Il épousa Déjanire, rendit ensuite au fleuve Achéloos la corne qu’il lui avait rompue et en reçut en échange celle d’Amalthée, cette fille d’Hémonie possédant une corne de taureau qui avait, selon Phérécyde, la vertu de fournir en abondance tout ce qu’on pouvait désirer à manger ou à boire", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7.5). Mais ces récits ne trompent pas Diodore de Sicile qui ne voit en eux qu’un moyen commode et poétique de décrire les conséquences que la maîtrise du fleuve Achéloos a produites sur la région de Calydon, qui d’inhospitalière est devenue fertile et riche ("Héraclès, pour rendre service aux Calydoniens, détourna le fleuve Achéloos, et l’ayant fait passer dans le nouveau lit qu’il avait creusé lui-même il mit à sec une vaste étendue de terre qui, autrefois couverte et désormais arrosée par les eaux de ce fleuve, devint très fertile. C’est ce qui conduit les poètes à feindre qu’Héraclès se battit contre le fleuve Achéloos changé en taureau, que dans ce combat il lui cassa une corne dont il fit présent aux Etoliens et que cette corne fut surnommée “corne d’Amalthée”, ajoutant qu’elle renfermait tous les fruits d’automne comme des raisins, des pommes et des oranges : le but de cette fable est de représenter par la corne le nouveau canal de l’Achéloos, et par les raisins, les pommes et les oranges, la fertilité de la contrée voisine du fleuve et la multitude infinie des arbres fruitiers qui y naissent", Bibliothèque historique IV.35). Strabon est du même avis ("Ceux qui font profession d’expliquer tous les mythes et d’en dégager l’élément historique prétendent que si l’on a comparé l’Achéloos à un taureau comme d’ailleurs beaucoup d’autres fleuves, c’est pour rappeler le bruit mugissant de ses eaux et ses brusques changements de direction, ce que les gens du pays justement appellent ses cornes, que si on l’a représenté ensuite sous la forme d’un serpent c’est pour exprimer la longueur de son cours et ses nombreuses sinuosités, et qu’enfin cette tête de bœuf sur un corps d’homme n’est qu’une variante du premier symbole. Quant à Héraclès, voici comment ils expliquent son rôle dans le même mythe : toujours prêt à rendre service et brûlant d’ailleurs d’obtenir la main de Déjanire, Héraclès entreprit par un système de levées et de canaux de rectifier de force le cours désordonné de l’Achéloos, réussissant ainsi pour le plus grand profit du roi Oenée à assécher une bonne partie de la Parachéloitide", Strabon, Géographie, II, 2.19). Dans ces récits anciens, quel âge a Déjanire au moment de son mariage avec Héraclès ? Nous l’ignorons car ceux-ci ne le précisent pas, mais les représentations de Déjanire sur les vases jusqu’au Vème siècle av. J.-C., comme celles qui illustrent le présent paragraphe, font d’elle une toute jeune femme, voire une adolescente. Les relations entre Héraclès et Oenée son beau-père sont bonnes, jusqu’au jour où Héraclès, à l’occasion d’un nouvel accès d’hybris, tue d’un coup de poing un serviteur d’Oenée. Se sentant coupable bien qu’Oenée lui pardonne son geste, le héros décide de s’exiler volontairement avec sa femme Déjanire vers la cité de Trachine en Thessalie. C’est à l’occasion de ce voyage vers Trachine qu’a lieu l’épisode de la mort du Centaure Nessos, tué par Héraclès pour avoir tenté de violer Déjanire, à laquelle il confie un prétendu philtre d’amour - constitué, selon pseudo-Apollodore, d’un mélange du sang et du sperme que Nessos a répandus sur les berges de l’Evénos avant de mourir, ce qui renseigne sur la réalité et l’intensité de son désir pour Déjanire - qui est en réalité un poison ("Quelque temps après, étant à un festin chez Oenée, il tua d’un coup de poing Eunomos fils d’Architèle qui lui versait de l’eau sur les mains. Architèle, qui était proche parent d’Oenée, voyant qu’Héraclès avait tué son fils involontairement, lui pardonna. Mais Héraclès voulut, conformément à la loi, se soumettre à l’exil, et résolut de se retirer à Trachine, chez Céyx. Etant parti avec Déjanire, ils arrivèrent au fleuve Evénos. Le Centaure Nessos passait les voyageurs de l’autre côté du fleuve, moyennant un salaire : il disait que les dieux lui avaient accordé ce droit pour le récompenser de son équité. Héraclès traversa lui-même le fleuve, et donna Déjanire à transporter au Centaure, moyennant le prix convenu. Au milieu du passage, celui-ci voulut la violer. Elle se mit à crier, et Héraclès perça Nessos d’un coup de flèche dans le cœur, au moment où il sortait de l’eau. Nessos se sentant près de mourir appela Déjanire, et lui dit que si elle voulait avoir un philtre puissant pour se faire aimer de son époux, elle n’avait qu’à mêler son sperme qui était tombé à terre avec le sang qui avait coulé de sa blessure. Déjanire suivit son conseil et garda ce philtre. Traversant ensuite le pays des Dryopes, et n’ayant rien à manger, Héraclès rencontra Thiodamas, qui conduisait une charrue attelée de deux bœufs. Il en détela un et le mangea. De là, il se rendit à Trachine vers Céyx, et étant chez lui, il alla attaquer les Dryopes et les défit", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7.6-7 ; "Trois ans après son mariage avec Déjanire, ce héros dînant avec Oenée et étant servi à table par Eunomos, fils d’Architèle à peine alors sorti de l’enfance, ce jeune homme commit une faute en servant. Héraclès le tua involontairement en lui donnant un coup de poing. Cet accident l’affligea beaucoup, et il s’exila lui-même de la cité de Calydon. Prenant avec lui Déjanire sa femme et leur fils Hyllos qui n’était alors qu’un enfant, ils arrivèrent ensemble au bord du fleuve Evénos. Ils trouvèrent là le Centaure Nessos qui, moyennant un certain salaire, transportait d’un côté du fleuve à l’autre ceux qui avaient envie de le traverser. Ce Centaure ayant d’abord pris Déjanire pour la faire passer de l’autre côté du fleuve, fut frappé de sa beauté et entreprit de lui faire violence. Déjanire implora en criant le secours de son mari. Héraclès lança un trait contre le Centaure qui, se sentant blessé à mort, dit à Déjanire qu’il voulait lui laisser un philtre amenant Héraclès à ne plus aimer aucune autre femme qu’elle, que pour cet effet il fallait qu’elle mêlât l’huile qu’il lui donnait avec le sang qui coulait de la pointe de la flèche et qu’elle en frottât la tunique d’Héraclès. Il expira dès qu’il eut donné ce conseil à Déjanire. Cette femme recueillit dans un vase ce prétendu philtre et le garda à l’insu de son mari. Puis Héraclès traversant le fleuve se rendit chez Céyx, roi des Trachiniens, où il alla loger", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique IV.36). Après avoir installé Déjanire à Trachine, Héraclès repart à l’aventure, mais pas longtemps car Déjanire, se sentant abandonnée, lui envoie un manteau imbibé du philtre empoisonné de Nessos en pensant que cela l’incitera à revenir près d’elle : Héraclès se couvre du manteau empoisonné, et meurt, bientôt suivi par Déjanire qui se suicide en découvrant à quel point Nessos l’a trompée.


La plus ancienne version de l’histoire entre Héraclès et Iole est celle de Créophyle de Samos au VIIIème siècle av. J.-C., intitulée La prise d’Oechalie. Cette œuvre aujourd’hui perdue fut longtemps si admirée que, selon Strabon, certains critiques antiques la mettaient au même niveau que les œuvres d’Homère, avec lequel Créophyle de Samos semble avoir entretenu des relations étroites ("Un autre Samien célèbre est ce Créophyle qui aurait jadis donné l’hospitalité à Homère, faveur à laquelle le poète aurait répondu en mettant sous le nom de son hôte son propre poème La prise d’Oechalie. Mais Callimaque dément cette tradition à l’aide d’une ingénieuse épigramme qui insinue que La prise d’Oechalie est réellement l’œuvre de Créophyle, et que, si elle a été attribuée à Homère, c’est justement à cause de l’hospitalité que Créophyle avait jadis donnée au poète : “Je suis l’œuvre du Samien qui naguère sous son toit abrita le divin Homère, et je pleure les infortunes d’Eurytos et de la blonde Iole. Mais on veut aujourd’hui que je sois un écrit d’Homère lui-même, ce qui pour Créophyle, ô Zeus !, est beaucoup dire”. Certains auteurs vont même jusqu’à dire qu’Homère aurait été le disciple de Créophyle, tandis que selon d’autres ce n’est pas Créophyle mais Aristée de Proconnèse qu’il aurait eu pour maître", Strabon, Géographie, XIV, 1.18). Nous ne disposons pas de versions de l’histoire entre Héraclès et Déjanire antérieures au Vème siècle av. J.-C., mais certains vases ici reproduits montrant Déjanire, Nessos et Héraclès lors du passage du fleuve Evénos prouvent qu’elle était parfaitement connue avant Sophocle.


La réunion entre ces deux histoires Héraclès-Iole et Héraclès-Déjanire n’est pas due à Sophocle, puisque qu’elle apparaît dans la Bibliothèque de pseudo-Apollodore qui semble s’appuyer sur des sources antérieures à l’époque du tragédien ("Arrivé au promontoire Cénée de l’île d’Eubée, [Héraclès] y éleva un autel à Zeus. Voulant offrir un sacrifice, il envoya un héraut à Trachine lui chercher un manteau de fête. Déjanire, apprenant de Lichas la capture d’Iole, craignit que celle-ci n’obtint la préférence sur elle et, persuadée que le sang de Nessos était un vrai philtre, elle en frotta le manteau. Héraclès s’en étant revêtu, offrit son sacrifice, mais lorsque le manteau se fut échauffé le venin de l’hydre pénétra la chair et la fit tomber en pourriture. Héraclès alors prit Lichas par les pieds et le lança dans la mer d’Eubée, il voulut arracher la tunique qui tenait à son corps, et les chairs se détachèrent avec. Dans cet état, il se fit mettre sur un navire et se fit porter à Trachine. Déjanire apprenant ce qui s’était passé, se pendit", pseudo-Apollodore, Bibliothèque, II, 7.7), et dans l’une des rares odes conservée de Bacchylide datant du début du Vème siècle av. J.-C. ("Laissant Oechalie dévorée par le feu, le fils d’Amphitryon, mortel aux desseins hardis, parvint sur un rivage entouré de flots où sur son butin il voulut sacrifier au maître des grandes nuées, Zeus de Cénée, neuf taureaux à la voix grave, et deux taureaux au dieu qui dompte la terre en excitant les flots, et à la vierge au regard puissant, la pure Athéna, une génisse aux cornes élevées qui n’avait pas porté le joug. Alors un dieu irrésistible trama dans l’esprit de Déjanire un projet perfide, père de bien des larmes, quand elle apprit, douloureuse nouvelle !, que le fils de Zeus, intrépide à la bataille, amenait dans sa demeure Iole aux bras blancs pour en faire sa florissante épouse. Ah, malheureuse infortunée ! Quelle pensée elle conçut ! La violente jalousie causa sa perte, et le voile noir qui couvrait les choses à venir, du temps où sur le fleuve Lycormas plein de roses elle reçut de Nessos le philtre fatal", Bacchylide, Odes 16). Mais le génie de Sophocle dans Les Trachiniennes est d’avoir inversé la chronologie en plaçant la rencontre Héraclès-Iole et la période d’esclavage chez Omphale après l’installation de Déjanire à Trachine, et non avant, transformant ainsi Déjanire, qui était originellement une jeune femme fraîchement épousée, en une femme âgée qui a patiemment attendu son mari pendant son long séjour chez la reine Omphale et qui le voit finalement succomber aux charmes d’une jeune princesse, et Iole, qui était originellement une ancienne princesse que jadis, il y a très longtemps, avant son long séjour chez la reine Omphale, avant l’expédition vers la Colchide, avant la première guerre de Troie, Héraclès avait tenté de conquérir, en une toute fraîche jeune fille contre laquelle la mûre Déjanire ne peut plus lutter. Ce renversement rend beaucoup plus touchantes et désespérées les lamentations de Déjanire, épouse réduite à ressasser le passé et à recourir à des procédés plus ou moins magiques pour espérer recouvrer les attentions de son mari et ne pas s’avouer à elle-même que sa vie est désormais derrière elle.


Les Trachiniennes commence au moment où Héraclès investit la cité d’Oechalie et capture Iole. La pièce s’achève par la mort du héros qui, empoisonné par sa femme jalouse, choisit de s’immoler sur le mont Oeta avec l’aide de son fils Hyllos. Cette version est conforme à celle de pseudo-Apollodore, qui précise qu’avant de mourir Héraclès confie ses armes à Péan le père de Philoctète, et qu’il est divinisé aussitôt après sa mort ("Héraclès ordonna à Hyllos, le plus âgé des fils qu’il avait de Déjanire, d’épouser Iole lorsqu’il serait en âge de se marier. Parvenu sur le mont Oeta, qui est dans le pays des Trachiniens, il y fit élever un bûcher, et ordonna d’y mettre le feu lorsqu’il y serait monté. Personne ne voulant s’en charger, Péan, qui était venu là pour chercher ses troupeaux, l’alluma, et Héraclès lui donna ses flèches pour récompense. On raconte que, tandis que le bûcher brûlait, il fut enveloppé d’un nuage et transporté au ciel au milieu de grands éclats de tonnerre", Bibliothèque, II, 7.7). Au Ier siècle av. J.-C., l’historien Diodore de Sicile confirme aussi la divinisation d’Héraclès aussitôt après sa mort, mais affirme, sur des sources dont nous ignorons la provenance, que c’est son neveu Iolaos qui l’accompagne au bûcher et non son fils Hyllos, et que c’est Philoctète lui-même qui reçoit les armes du héros et non Péan le père de Philoctète ("Après cette expédition [contre la cité d’Oechalie], Héraclès voulant offrir un sacrifice dans cet endroit [du mont Cénée], envoya à Trachine, vers sa femme Déjanire, un de ses serviteurs appelé Lichas pour lui aller chercher le manteau dont il avait coutume de se revêtir lors des sacrifices. Déjanire ayant appris par Lichas que son mari était éperdument amoureux d’Iole et croyant le guérir de cette passion et le ramener à elle, frotta ce manteau du philtre que le Centaure Nessos lui avait donné pour se faire toujours aimer d’Héraclès, Lichas ne sachant rien de ce secret prit des mains de Déjanire les vêtements du sacrifice et les apporta à Héraclès. Mais dès que ce héros eut mis sur lui le manteau empoisonné, la force du venin dont il était imbibé venant à opérer fit une révolution étrange dans son corps. Car le fiel de l’hydre de Lerne dans lequel la flèche d’Héraclès avait trempé et qui était passé dans le manteau corrompit par sa chaleur toutes les chairs. Ainsi ce héros souffrant des douleurs extraordinaires fit d’abord mourir Lichas auteur innocent de son mal. Il licencia ensuite son armée et revint demeurer à Trachine. Mais comme ses douleurs augmentaient toujours, il envoya à Delphes Licymnios et Iolaos pour demander conseil à Apollon sur cette cruelle maladie. Dans cet intervalle, Déjanire apprenant le malheur d’Héraclès dont elle se voyait la cause se livra au désespoir et s’étrangla elle-même. L’oracle répondit qu’il fallait qu’on portât Héraclès avec un appareil de guerre jusque sur le mont Oeta, que là on dressât auprès de lui un grand bûcher et que Zeus aurait soin du reste. Iolaos et ceux qui l’accompagnaient obéirent à ces ordres et se tenaient assez loin du bûcher, attentifs à tout ce qui allait arriver. Mais Héraclès désespérant entièrement de sa guérison, monta sur le bûcher et, appelant tous ceux qui l’avaient suivi, il les conjura d’y mettre le feu. Personne n’osa le faire et il n’y eut que le seul Philoctète qui lui obéit. Héraclès en récompense de ce service lui offrit ses flèches et de son arc. Dans le moment, un coup de tonnerre fit paraître en flammes tout le bûcher. Iolaos et sa troupe étant venus bientôt après chercher ses os et n’en ayant retrouvé aucun, ils crurent qu’Héraclès avait été fait dieu conformément à tant d’oracles qui lui avaient promis cette récompense. Ce fut pour cette raison qu’ils lui offrirent des sacrifices et qu’ils ne s’en retournèrent à Trachine qu’après avoir élevé des autels dans cet endroit où il avait cessé de paraître parmi les hommes", Bibliothèque historique IV.38-39).

  

Personnages

Résumé

Analyse

Héraclès

Iole

Nessos

Déjanire

Hyllos

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