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Le temps perdu

Parodos

Acte I : Origines

Acte II : Les Doriens

Acte III : Sophocle

Le temps gagné

© Christian Carat Autoédition

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Acte V : Le christianisme

Les juifs face aux Grecs vainqueurs

  

Lettre d’Aristée

Tobit/Siracide

Maccabées 1/2

L’histoire de Cour

  

contre

Maccabées 1 est œuvre anonyme racontant les luttes qui ont favorisé la renaissance en -142 d’un royaume d’Israël indépendant, sous l’impulsion de la famille juive des Asmonéens. Elle a écrite après le dernier quart du IIème siècle av. J.-C. puisqu’elle évoque le règne du roi Séleucide Antiochos VII mort en -129, et qu’elle se termine en renvoyant le lecteur vers une biographie consacrée à Jean-Hyrcan Ier mort en -104. Certains passages très favorables aux Romains impliquent par ailleurs qu’elle date d’avant l’intervention directe des Romains dans les affaires levantines, plus précisément d’avant l’irruption de Pompée dans le Temple de Jérusalem en automne -63, que nous raconterons dans notre prochain paragraphe. Son contenu général très anti-hellénique permet de penser que son auteur est un juif nationaliste, et que le texte grec parvenu jusqu’à nous n’est que la traduction d’un original hébraïque disparu au cours des siècles - à l’instar de l’original hébraïque du Siracide.


Le livre commence par une brève introduction résumant les cent soixante-sept ans qui séparent l’année -334, où Alexandre débarque sur le continent asiatique, et l’année -167, qui marque le déclenchement de la révolte juive contre l’occupation grecque. Alexandre est présenté d’une façon peu flatteuse ("Alexandre le Grand, fils du roi Philippe II de Macédoine, partit de son pays pour faire la guerre. [...] Il livra de nombreuses batailles, s’empara de cités fortifiées et fit exécuter les chefs locaux. Il parvint jusqu’au bout du monde et pilla un grand nombre de nations. Quand la terre fut sous son autorité, il devint orgueilleux et arrogant. En rassemblant une grande et puissante armée, il soumit des provinces, des nations et leurs chefs. Il les força à lui payer des impôts", Maccabées 1 1.1-4), de même que ses successeurs ("Alexandre mourut après avoir régné douze ans, et ses stratèges exercèrent le pouvoir, chacun dans le territoire qui lui avait été attribué. Ils se donnèrent tous le titre de roi. Leurs descendants firent de même pendant de nombreuses générations, pour le plus grand malheur de la terre entière", Maccabées 1 1.7-9). La révolte juive apparaît ainsi comme l’aboutissement logique de l’interminable oppression exercée par l’occupant grec sur les juifs, sans qu’il paraisse nécessaire d’entrer dans le détail.


Selon l’auteur de Maccabées 1, cette révolte a pour origine immédiate le comportement du roi Antiochos IV Epiphane, fils d’Antiochos III dont nous avons raconté la vie dans notre paragraphe précédent. En -169, "désireux de vaincre l’Egypte pour devenir le roi des deux pays" (verset 16 chapitre 1), Antiochos IV met son projet à exécution. Maccabées 1 passe rapidement sur les opérations sans donner plus d’explications ("Il se rendit en Egypte avec une armée puissante, des chars, des éléphants et une grande flotte. [...] Beaucoup de soldats furent tués. Antiochos s’empara des cités fortifiées égyptiennes et pilla le pays", Maccabées 1 1.17-19). Peu de temps après, "le roi revient sur ses pas" (verset 20 chapitre 1). Pourquoi ? Maccabées 1 ne le dit pas. En passant par Jérusalem, il pille le Temple ("Il fit enlever l’autel d’or, le porte-lampes avec ses accessoires, la table de pains offerts à Yahvé, les flacons pour les offrandes de vin, les bols à aspersion, les coupes d’or, le rideau, les couronnes. Il fit arracher toute la décoration d’or sur la façade du Temple. Il prit également l’argent, l’or et les autres objets de valeur. Il trouva même les trésors qu’on avait cachés et les emporta. Après s’être emparé de tout, il rentra dans son pays", Maccabées 1 1.21-23). Pourquoi ? Maccabées 1 ne le dit également pas. Apparemment obsédé par la recherche d’argent, Antiochos IV "envoie dans les citées judéennes un officier chargé de prélever les impôts" (verset 29 chapitre 1), il pille à nouveau Jérusalem deux ans plus tard ("Il pilla la ville, l’incendia et détruisit ses maisons et ses murailles", Maccabées 1 1.31) et y installe une garnison permanente dans une forteresse ("Ils restaurèrent la cité de David et l’entourèrent d’une grande et solide muraille, avec des tours fortifiées. Ils en firent une forteresse. Ils y installèrent une bande de gens malfaisants, sans foi ni loi, qui s’y retranchèrent. Ils y entreposèrent des armes et des vivres, ils y rassemblèrent le butin pris à Jérusalem et ils firent peser une grave menace sur Israël", Maccabées 1 1.33-35) probablement édifié sur les restes de l’ancienne "Akra" mentionnée par la Lettre d’Aristée (longuement décrite aux paragraphes 100 à 104 de cette Lettre d’Aristée, comme poste d’observation idéal pour contempler la ville de Jérusalem) remontant à l’époque perse (elle était encore en construction à l’époque de Néhémie : "Qu’on me remette aussi une lettre pour Assaf le responsable des forêts royales, afin qu’il me fournisse le bois nécessaire pour les portes de la forteresse près du Temple", Néhémie 2.8 ; pour l’anecdote, c’est au commandant militaire de cette forteresse que Néhémie avait confié la défense de Jérusalem : "Je confiai l’administration de Jérusalem à mon frère Hanani, ainsi qu’à Hanania le chef de la forteresse, homme de confiance et plus fidèle à Yahvé que beaucoup d’autres", Néhémie 7.2), il vend des femmes juives et des enfants juifs comme esclaves ("Les soldats emmenèrent les femmes et les enfants et ils se partagèrent le bétail", Maccabées 1 1.32). Pourquoi ? Maccabées 1 garde encore le silence sur ce point. Enfin, pour une raison que Maccabées 1 ignore pareillement, il décrète l’hellénisation forcée des juifs ("Il interdit aux juifs d’offrir dans le Temple des sacrifices complets ou autres, ou d’y présenter des offrandes de farine ou de vin. Il leur ordonna de ne plus respecter le sabbat ni les jours de fête, et aussi de profaner le Temple et les choses saintes. De plus, les juifs durent construire pour les idoles des autels, des sanctuaires et des temples. Ils durent y offrir en sacrifice des porcs et d’autres animaux impurs. Ils n’eurent plus le droit de circoncire leurs fils. Ils durent se souiller par toutes sortes de pratiques abominables. Il fallait qu’ils oublient la Loi de Moïse et changer toutes leurs coutumes", Maccabées 1 1.45-49), jusqu’à commettre l’acte qui met le feu aux poudres : en décembre -167, il ouvre le Temple à on-ne-sait-quelle divinité païenne. Le texte grec en effet désigne la statue qui y est installée par le terme "abomination de la désolation"/"dbdšlugma tÁj ™rhmèsewj" ("Le quinzième jour du mois de kislev [mois du calendrier hébraïque correspondant approximativement à fin-novembre à fin-décembre du calendrier chrétien] en 145 [du calendrier séleucide], le roi fit élever l’abomination de la désolation sur l’autel du Temple, et l’on construisit des autels dans les autres cités de Judée. On faisait brûler de l’encens devant les portes des maisons et sur les places. On déchirait les livres de la Loi qu’on trouvait et on les jetait au feu. Par ordre du roi, toute personne découverte en possession d’un livre saint ou obéissant à la Loi de Moïse était mise à mort", Maccabées 1 1.54-57), or le terme "abomination"/"dbdšlugma" est la traduction grecque du mot hébraïque "shiqquts" communément employé dans le Tanakh pour désigner toutes sortes d’idoles. Les spécialistes actuels s’interrogent encore sur l’identité de l’idole en question : s’agit-il d’un dieu grec ? ou d’un dieu local syro-phénicien ? ou d’un mix des deux ? ou d’une représentation symbolique d’Antiochos IV ?


Commence ensuite le récit de la lente mais irrésistible ascension de la famille asmonéenne vers le sommet du pouvoir, un récit parfaitement linéaire, qui nie toute dissension à l’intérieur du peuple juif.


Mattatias, un prêtre de Modine (aujourd’hui Al-Midya en Palestine), arrière-petit-fils d’un Asmonée éponyme selon le paragraphe 265 livre XII des Antiquités juives de Flavius Josèphe, décide de résister à la politique d’Antiochos IV. Ce Mattatias est présenté comme un "prêtre de la famille de Yoyarib" (verset 1 chapitre 2). On se souvient que Yoyarib, selon le verset 7 chapitre 24 du Premier livre des chroniques, a été l’un des vingt-quatre assistants de Sadoc et d’Ahimélek, les deux premiers Grands Prêtres du premier Temple de Jérusalem : selon ce verset, Yoyarib appartenait à la famille de Sadoc, et a été élu comme un contrepoids à un nommé Yedaya appartenant à la famille d’Ahimélek. Mattathias est donc un homme de haute lignée sacerdotale, qui peut prétendre aux plus hautes fonctions d’Israël. Un jour, un officier grec passe à Modine pour ordonner à la population juive de sacrifier aux dieux grecs. Un juif hellénisé s’avance pour montrer l’exemple. Voyant cela, Mattatias "frémit d’indignation jusqu’au plus profond de son être", une "juste colère" s’empare de lui, il court et égorge l’homme sur l’autel, puis il tue l’officier grec (versets 24 et 25 chapitre 2). C’est le point de départ de la guerre d’indépendance contre le dominant grec, qui prend la forme d’un repli identitaire radical calqué sur celui de Pinhas jadis ("L’ardeur [de Mattathias] à défendre la Loi de Moïse fut semblable à celle que Pinhas montra en tuant Zimri le fils de Salou", Maccabées 1 2.26 ; "Notre ancêtre Pinhas a fait preuve d’un zèle ardent, et a reçu la promesse que ses descendants seraient toujours prêtres de Yahvé", Maccabées 1 2.54 ; selon les versets 6 à 18 chapitre 25 des Nombres, Pinhas le petit-fils d’Aaron a donné pareillement le signal d’une épuration religieuse en tuant de sa propre main un Israélite accusé de s’être laissé corrompre par les Madianites, puis encouragé l’extermination méthodique des Madianites et de tous les Israélites soupçonnés de collaboration avec ces derniers). Mattatias s’enfuit vite au désert, suivi par "beaucoup de gens désireux de vivre droitement selon la Loi de Moïse" (Maccabées 1 2.29). Il meurt l’année suivante, on-ne-sait-comment ("Mattatias donna sa bénédiction, puis il mourut en 146 [du calendrier séleucide]. Ses fils l’enterrèrent dans le tombeau familial à Modine. Tout Israël, en grand deuil, le pleura", Maccabées 1 2.69-70).


Son fils Judas surnommé "Maccabée" lui succède à la tête du mouvement ("Judas surnommé “Maccabée” devint chef à la place de son père Mattatias", Maccabées 1 3.1). On ignore la signification de ce surnom, qu’on a souvent étendu par erreur à toute la famille asmonéenne : est-ce un dérivé de l’araméen "maqqaba"/"marteau", suggérant que Judas est un combattant efficace broyant les Grecs tel un marteau sur une enclume ? ou est-ce un dérivé de l’hébreu "maqqabyahu"/"désigné par Yahvé", suggérant la légitimité de son engagement contre les Grecs ? Judas Maccabée s’avère en tous cas un résistant coriace. Après plusieurs affrontements indécis, il réussit à vaincre en -165 dans la plaine d’Emmaüs, avec seulement trois mille partisans, le contingent de cinq mille fantassins et mille cavaliers du stratège Gorgias envoyé à sa rencontre (versets 1 à 25 chapitre 4). En -164, il accomplit un nouvel exploit en écrasant, avec seulement dix mille partisans, le contingent de soixante mille fantassins et cinq mille cavaliers de Lysias (verset 28 à 35 chapitre 4), l’homme à qui Antiochos IV, alors occupé à reconquérir les hauts plateaux iraniens, a confié la partie occidentale de son royaume. Finalement, Judas Maccabée entre dans Jérusalem, assiège les soldats séleucides demeurés à l’intérieur de leur forteresse, et se consacre à la purification du Temple (verset 41 chapitre 4). Détail important : il ne s’approprie pas le titre de Grand Prêtre ni d’assistant du Grand Prêtre - auquel il pourrait prétendre, étant un descendant de Yoyarib -, il laisse ces charges à des hommes qualifiés d’"irréprochables"/"¥mwmoj" (verset 42 chapitre 4) dont Maccabées 1 tait les noms. Enfin, en décembre -164, soit exactement trois ans après sa profanation, le Temple est solennellement débarrassé de la statue païenne imposée par Antiochos IV, et est rendu au culte de Yahvé ("Le vingt-cinquième jour du neuvième mois de kislev, en 148 [du calendrier séleucide], les juifs se levèrent de bon matin. Conformément à la loi de Moïse, ils offrirent un sacrifice sur le nouvel autel qu’ils avaient bâti. A la date précise où les païens avaient profané l’autel, le nouvel autel fut consacré au son des cantiques, des harpes, des lyres et des cymbales. Tout le peuple se jeta visage conge contre terre en signe d’adoration, et adressa des louanges au Dieu qui l’avait conduit à la victoire. On célébra pendant huit jours la consécration de l’autel", Maccabées 1 4.52-56). Les mois suivants, profitant de la mort d’Antiochos IV dans des conditions obscures, Judas Maccabée s’occupe à effacer tout souvenir de la présence grecque autour de Jérusalem, en massacrant principalement les juifs hellénisés : il effectue des raids au sud dans le pays des Edomites que Maccabées I hellénise en "Idumée"/"Idouma…a", à l’est chez les Ammonites et les Arabes nabatéens, au nord chez les Galiléens, à l’ouest chez les Philistins (chapitre 5). Mais il échoue à s’emparer de la forteresse où sont toujours retranchés les soldats séleucides ("Les ennemis qui était dans la forteresse de Jérusalem empêchaient les Israélites de circuler librement autour du Temple, et ne manquaient pas une occasion de leur nuire et de soutenir la position des païens. Judas Maccabée décida de les réduire, et convoqua tout le peuple pour les assiéger. Les Israélites se rassemblèrent et firent le siège de la forteresse en 150 [du calendrier séleucide, c’est-à-dire en -163 du calendrier chrétien], ils construisirent des plates-formes de tir et des engins pour défoncer les murailles", Maccabées 1 6.18-20). Alertés par certains de ces soldats ayant réussi à s’échapper et par des juifs hellénisés, le jeune Antiochos V fils et successeur d’Antiochos IV décide d’intervenir en personne ("Des ennemis assiégés réussirent à s’échapper [de l’Akra de Jérusalem] avec quelques Israélites impies et se rendirent chez le roi Antiochos V Eupator. Ils lui dirent : “Quand te décideras-tu à punir nos ennemis et venger nos amis ? Nous avons accepté de servir ton père, de suivre ses ordres, d’obéir à ses lois. A cause de cela nos propres fils nous haïssent, au point d’avoir tué ceux d’entre nous qu’ils ont attrapés et d’avoir pris nos biens. Et après avoir porté la main sur nous, ils attaquent tous les pays voisins, actuellement ils assiègent Jérusalem, ils ont fortifié le Temple comme la cité de Beth-Sour. Si tu n’intervins pas immédiatement contre eux, ils feront pire, et tu ne pourras plus les arrêter”. En entendant cela, le roi Antiochos V devint furieux. Il réunit tous les Amis, les chefs de l’armée et les commandants de cavalerie. Il engagea des troupes de mercenaires qui vinrent d’autres royaumes et des îles grecques. Son armée comptait cent mille fantassins, vingt mille cavaliers et trente-deux éléphants de combat", Maccabées 1 6.21-29). Une nouvelle armée de cent mille fantassins, vingt mille cavaliers et trente-deux éléphants est levée (verset 30 chapitre 6). Judas Maccabée et ses partisans décident de marcher au-devant de l’ennemi. La rencontre a lieu à Beth-Zacharia. Antiochos V bouscule Judas Maccabée (versets 32-47 chapitre 6), puis il entre dans Jérusalem où seuls quelques irréductibles barricadés dans le Temple lui résistent (versets 51-54 chapitre 6). Mais il ne profite pas longtemps de son succès. Démétrios le fils de feu Séleucos IV, lui-même fils et successeur d’Antiochos III entre -187 et -175 - autrement dit ce Démétrios est le neveu d’Antiochos IV -, retenu de force à Rome par le Sénat qui redoute ses compétences, parvient à fausser la surveillance de ses gardiens : il gagne la Méditerranée orientale, et à peine débarqué au Levant, avec la complicité de la troupe séleucide qui estime que la jeunesse d’Antiochos V ne sert que les intérêts des Romains, il fait assassiner ce dernier et s’empare du pouvoir sous le nom de Démétrios Ier ("En 151 [du calendrier séleucide, donc en -161 du calendrier chrétien], Démétrios fils de Séleucos IV s’échappa de Rome. Il se dirigea avec quelques hommes vers une cité côtière et s’y proclama roi. Tandis qu’il était en route vers le palais royal de ses ancêtres, l’armée captura Antiochos V et Lysias pour les lui amener. Démétrios apprit leur arrestation, mais il déclara ne pas vouloir les voir. Alors l’armée les assassina, et Démétrios s’installa sur le trône", Maccabées 1 7.1-4). Dans un premier temps, le nouveau roi veut agir par ruse contre les nationalistes juifs, et non pas par force comme ses deux prédécesseurs : il envoie le stratège Nicanor vers Judas Maccabée soi-disant pour négocier, en réalité pour le kidnapper et le tuer ("Quand Nicanor arriva chez Judas Maccabée, ils se saluèrent amicalement. Mais les ennemis se tenaient prêts à enlever Judas Maccabée", Maccabées 1 7.29). Mais Judas Maccabée flaire le traquenard, et s’éclipse au bon moment ("[Judas Maccabée] s’aperçut que cette rencontre cachait un piège. Effrayé, il refusa de prolonger l’entrevue avec Nicanor", Maccabées 1 7.30). Les deux hommes s’affrontent finalement au début du printemps -161 à Hadacha : le contingent grec est totalement battu, et Nicanor trouve la mort à l’occasion (versets 39 à 49 chapitre 7). Jérusalem retombe dans les mains des juifs nationalistes. Pendant ce temps, les Romains maugréent, parce qu’ils n’ont pas apprécié que Démétrios leur ait échappé pour devenir roi, et parce qu’ils ne trouvent aucun moyen de lui nuire. Judas Maccabée leur propose naturellement son aide. Le Sénat répond favorablement à sa proposition, en rédigeant un texte que l’auteur de Maccabées 1 prend plaisir à citer intégralement aux versets 23 à 28 chapitre 8, en insistant fièrement sur le fait qu’il a été "gravé sur des tablettes de bronze" (verset 22 chapitre 8) : c’est un début de reconnaissance pour l’héritier des Asmonéens, et pour les indépendantistes juifs depuis leur soulèvement de -167. Mais Démétrios Ier, justifiant les compétences que lui soupçonnaient les Romains, ne s’avoue pas vaincu. Après l’échec de son stratège Nicanor, il envoie Bachidès, son gouverneur de Koilè-Syrie, avec des nouvelles troupes et un juif philhellène nommé Alkimos désireux de devenir Grand Prêtre ("Tous les Israélites infidèles et traîtres à la Loi vinrent aussitôt voir [Démétrios Ier]. Leur chef était Alkimos, qui voulait devenir Grand Prêtre. Devant le roi, ils portèrent des accusations contre les autres juifs, en disant : “Judas et ses frères ont fait périr tous tes partisans et ils nous ont chassés de notre pays. Envoie donc un de tes hommes de confiance, pour qu’il aille constater leurs méfaits sur nos terres et sur les terres royales, et pour qu’il punisse Judas, ses frères et tous leurs alliés”", Maccabées 1 7.5-7). Au printemps -160, Bachidès prend position au nord de Jérusalem, dans la localité de Béreth, avec vingt mille fantassins et deux mille cavaliers. Face à lui, Judas Maccabée ne dispose que de trois mille partisans (versets 3 à 5 chapitre 9). Ces derniers, en voyant la multitude de leurs adversaires, prennent peur, certains s’enfuient après avoir vainement tenté de convaincre leur chef de revenir ultérieurement avec des renforts ("Pour l’instant, il faut sauver nos vies. Plus tard nous reviendrons avec nos frères pour les combattre", Maccabées 1 9.9). Judas Maccabée, plein de fierté suicidaire ("Fuir le combat ? Jamais je ne ferai une chose pareille ! Si le moment de notre mort est arrivé, mourons courageusement pour nos frères ! Gardons notre honneur sans tache !", Maccabées 1 9.10), entouré seulement de huit cents jusqu’au-boutistes (verset 6 chapitre 9), engage la bataille. On compte "beaucoup de morts des deux côtés" (verset 17 chapitre 9), mais la disproportion des effectifs aboutit à une conclusion logique : Judas Maccabée est tué avec ses derniers fidèles (verset 18 chapitre 9). Les troupes séleucides rentrent dans Jérusalem, où Alkimos est installé comme nouveau Grand Prêtre. Bachidès consolide ensuite l’autorité séleucide en fortifiant diverses cités de Judée et en retenant comme otages les fils de certains chefs juifs locaux (versets 50 à 53 chapitre 9).


Le flambeau de la résistance juive est repris par Jonatan, deuxième fils de Mattatias, donc frère de Judas Maccabée. Après un ultime face-à-face contre Bachidès à Beth-Basi près de Bethléem (versets 62 à 72 chapitre 9), Jonatan se retire avec ses proches à Mikmas au nord de Jérusalem (verset 73 chapitre 9). S’ensuit une période de calme relatif, qui prend fin en -152 à cause d’une nouvelle crise dynastique. Alexandre Balas, fils de feu Antiochos IV, revendique la couronne contre son cousin Démétrios Ier ("En 160 [du calendrier séleucide], Alexandre le fils d’Antiochos IV Epiphane débarqua près de Ptolémaïs et s’empara de la cité. Les habitants le reconnurent roi", Maccabées 1 10.1). Ce dernier fait évoluer sa diplomatie à l’égard de son ancien adversaire Jonatan, en lui proposant une alliance, pour ne pas le voir pactiser avec Alexandre Balas ("Démétrios Ier envoya à Jonatan un message de paix en lui promettant de grands honneurs, en se disant : “Je dois me hâter de faire la paix avec Jonatan avant qu’il s’entende avec Alexandre contre moi. Il pourrait effectivement se rappeler tous les torts que je lui ai causés ainsi qu’à ses frères et à son peuple”", Maccabées 1 10.3-5). Jonatan devient ainsi l’objet de toutes les attentions entre les deux cousins rivaux séleucides. Démétrios Ier reconnaît l’existence d’une armée juive, autrement dit l’existence d’une autorité juive autonome, il permet à Jonatan de fabriquer des armes, et ordonne la libération des tous les otages juifs capturés lors de la reprise en mains de la Judée en -160 ("Démétrios Ier autorisa Jonatan à rassembler une armée et à fabriquer des armes. Il lui proposa de devenir son allié. Il ordonna aussi qu’on lui rendît les otages israélites emprisonnés dans la forteresse de Jérusalem", Maccabées 1 10.6) : Jonatan attrape la perche qu’on lui tend, il rentre à Jérusalem pour y lire avec une jouissance non dissimulée ces décrets de Démétrios Ier devant les soldats séleucides médusés et la population philhellène inquiète ("Alors Jonatan se rendit à Jérusalem et il lut la lettre du roi devant tout le peuple et les soldats de la forteresse. Ils furent remplis de stupeur en entendant que le roi autorisait Jonatan à rassembler une armée. Les soldats de la forteresse lui rendirent les otages, et lui-même les remit à leurs parents. Jonatan s’établit à Jérusalem. Il rebâtit la ville et la restaura", Maccabées 1 10.7-10), et organise aussitôt la reconstruction des fortifications rasées par les Séleucides après -160 - autrement dit la reprise de la guerre contre les Grecs ("[Jonatan] ordonna aux ouvriers de reconstruire les murs de la ville et d’entourer le mont Sion avec des pierres de taille pour le fortifier, ce qui fut fait", Maccabées 1 10.11). Alexandre Balas surenchérit en le traitant comme un frère, en louant son courage au combat, et en lui proposant le titre de Grand Prêtre vacant depuis le décès (de mort naturelle selon les versets 4 à 56 chapitre 9) d’Alkimos en -159 ("Alexandre [Balas] envoya une lettre rédigée en ces termes : “Le roi Alexandre salue son frère Jonatan. J’ai entendu parler de toi : tu es un homme d’un grand courage et tu mérites d’être un de mes proches. C’est pourquoi je te nomme aujourd’hui Grand Prêtre de ton peuple, et je te donne le titre d’Ami du roi”", Maccabées 1 10.17-20) : Jonatan attrape cette nouvelle perche tendue, il devient officiellement Grand Prêtre en -152 ("Jonatan revêtit les habits de Grand Prêtre à l’occasion de la fête des Huttes, le septième moi de l’année 160 [du calendrier séleucide]", Maccabées 1 10.21). Démétrios Ier tente de relancer la mise en écrivant une longue lettre rapportée avec complaisance par l’auteur de Maccabées 1 aux versets 25 à 45 chapitre 10, dans laquelle il accorde aux juifs nationalistes tous les privilèges possibles. Mais Jonatan n’a plus besoin des largesses de Démétrios Ier, qui doit affronter finalement Alexandre Balas en bataille et est tué ("Le roi Alexandre [Balas] rassembla de nombreuses troupes et s’avança contre Démétrios Ier. Les deux rois engagèrent le combat. Les soldats d’Alexandre [Balas] commencèrent à fuir, Démétrios Ier les poursuivit et prit l’avantage. Mais la bataille se poursuivit sans relâche jusqu’au coucher du soleil, et finalement Démétrios Ier fut tué ce jour-là", Maccabées 1 10.48-50). Jonatan devient le protégé du nouveau roi, qui prend le nom d’Alexandre Ier ("Le roi fit asseoir [Jonatan] auprès de lui, puis dit à ses officiers : “Accompagnez-le jusqu’au centre-ville [de Ptolémaïs] et proclamez que personne ne doit porter la moindre accusation contre lui ni lui causer du tort pour quelque raison que ce soit”", Maccabées 1 10.63). Démétrios, le fils homonyme de Démétrios Ier, essaie de reprendre le pouvoir en -147 ("En 165 [du calendrier séleucide], Démétrios, fils du roi Démétrios Ier, revint de Crète au pays de ses ancêtres. Cette nouvelle inquiéta tellement le roi Alexandre Ier, qu’il revint à Antioche. Démétrios désigna Apollonios comme gouverneur de Koilè-Syrie. Celui-ci rassembla une armée nombreuse, et établit son camp près de Jamnia", Maccabées 1 10.67-69), mais Apollonios son principal stratège est battu par Jonatan à Ashdod (versets 77 à 85 chapitre 10). Démétrios trouve cependant un soutien dans le roi lagide Ptolémée VI, qui envahit le Levant (versets 1 à 8) : cyniquement, Ptolémée VI propose à Démétrios de le reconnaître comme nouveau roi séleucide, contre la cessation du Levant occupé par les Séleucides depuis la campagne d’Antiochos III en -200 ("[Ptolémée VI] envoya des ambassadeurs à Démétrios, avec le message suivant : “Rejoins-moi, pour nous signions ensemble un traité. Je te donnerai ma fille Cléopâtre [Théa] […], et tu règneras sur le royaume de ton père. […]”. Il rompit ses relations avec Alexandre Ier [Balas], et ils devinrent ouvertement ennemis. Ptolémée VI entra dans Antioche, et se proclama roi de Koilè-Syrie. Il porta ainsi deux couronnes : celle du royaume d’Egypte et celle de Koilè-Syrie", Maccabées 1 11.9-13). Alexandre Ier Balas, abandonné par tous et en fuite, est assassiné peu après dans des conditions obscures ("Alexandre Ier [Balas] s’enfuit en Arabie pour y trouver refuge, confortant ainsi la puissance du roi Ptolémée VI. Un Arabe nommé Zabdiel trancha la tête d’Alexandre Ier [Balas] et l’envoya à Ptolémée VI", Maccabées 1 11.16-17). Démétrios en -145 (verset 19 chapitre 11) devient ainsi le nouveau roi d’un royaume amputé de la côte levantine - cédée aux Lagides - et de la Judée - devenue autonome -, sous le nom de Démétrios II. Désireux de maintenir la paix, il confirme le statut quo à Jonatan dans un premier temps ("Des Israélites infidèles à la Loi portèrent des accusations contre Jonatan, mais le roi le traita comme ses prédécesseurs l’avaient fait : il le couvrit d’honneurs devant tous les Amis royaux, lui confirma sa fonction de Grand Prêtre et tous les autres privilèges reçus auparavant, et le mit au premier rang de ses Amis", Maccabées 1 11.25-27), puis dans un second temps lui octroie toutes sortes d’exemptions - que le narrateur de Maccabées 1 prend à nouveau plaisir à citer longuement ("Jonatan demanda au roi que la Judée et les trois districts de la Samarie [occupés par ses hommes] fussent exemptés d’impôts réguliers, contre trois cents talents. Le roi accepta cette demande. Pour confirmer leur accord, il remit à Jonatan un document rédigé en ces termes : “Le roi Démétrios II salue son frère Jonatan et le peuple juif. Je vous envoie une copie de la lettre que j’ai écrite à votre sujet à Lasténès, parent royal, afin que vous en preniez connaissance : « Le roi Démétrios II salue Lasténès, son vénérable parent. J’ai décidé de récompenser le peuple juif pour sa loyauté envers moi. Les juifs sont nos amis et remplissent leurs devoirs à notre égard. Je leur confirme donc leurs droits sur la Judée et sur les trois districts d’Aphéréma, Lydda et Ramataïm, qui sont détachés de la Samarie et annexés à la Judée. Tous ceux qui vont offrir des sacrifices à Jérusalem n’auront plus désormais à payer au roi les taxes royales qui leur étaient imposées chaque année, sur les produits de la terre et sur les fruits. Je les dispense aussi des autres impôts qui me sont dus : le dixième des revenus, les taxes ordinaires dont celle sur le sel, les prélèvements royaux extraordinaires. Aucune de ces décisions ne pourra être annulée, ni maintenant ni plus tard. Prenez soin de réaliser une copie de ce document et de la remettre à Jonatan, qui devra la placer à un endroit bien visible sur la colline du Temple »”", Maccabées 1 11.28-37). Maccabées 1 a ensuite beaucoup de mal à raconter la politique extrêmement trouble de Jonatan. Nous avons déjà vu que, contrairement à son père Mattatias et à son frère Judas Maccabée, Jonatan n’a pas beaucoup de droiture morale puisqu’il n’a pas hésité à accepter les cadeaux de Démétrios Ier en lui déclarant la guerre pour tout remerciement - plus précisément en relevant les fortifications de Jérusalem et en prêtant attention aux revendications d’Alexandre Balas le prétendant séleucide rival, sur le mode : "Tu ne m’as pas fait duc, je ne te ferai pas baron, tes soi-disant cadeaux me sont un dû" -, il n’a pas hésité davantage à s’approprier en -152 le titre de Grand Prêtre que Judée Maccabée avait décliné en -164 - sous le prétexte : "Mieux vaut que la charge de Grand Prêtre soit occupée par un bon juif comme moi, plutôt que par un philhellène comme Alkimos" -, ni à répondre à l’invitation et aux flatteries d’Alexandre Balas devenu roi. Eh bien ! Contre la promesse du retrait des dernières troupes séleucides encore présentes sur le sol judéen ("Jonatan envoya un message au roi Démétrios II pour lui demander de retirer ses soldats de la forteresse de Jérusalem et des cités fortifiées de Judée, qui continuaient la guerre contre le peuple d’Israël. Démétrios II répondit à Jonatan : “Non seulement je ferai ce que tu me demandes pour toi et ton peuple, mais j vous accorderai aussi des honneurs dès que la situation me le permettra. Pour le moment, la meilleur chose que tu puisses faire est de m’envoyer des soldats pour combattre à mes côtés, parce que mes troupes se sont mutinées contre moi”", Maccabées 1 11.41), Jonatan n’a encore aucune hésitation à intervenir militairement à Antioche pour aider le roi Démétrios II à asseoir son autorité ("Jonatan envoya aussitôt trois mille de ses meilleurs soldats vers le roi à Antioche. Quand ils arrivèrent, Démétrios II fut soulagé par leur présence, car environ cent vingt mille habitants s’étaient rassemblés dans le centre d’Antioche et voulaient se débarrasser de lui. Démétrios II, réfugié dans le palais pendant que la foule envahissait les rues, lança l’attaque. Les juifs, répondant à l’appel du roi, accoururent tous : ils se répandirent dans la ville et massacrèrent au moins cent mille personnes ce jour-là. Ils mirent le feu et s’emparèrent d’un important butin. C’est ainsi que le roi fut sauvé", Maccabées 1 11.44-48). Quand quelques mois plus tard un intrigant nommé Tryphon organise un putsch dans Antioche et, pour légitimer son acte, confie la couronne séleucide au jeune fils d’Alexandre Ier Balas qui prend le nom d’Antiochos VI ("Quelques temps plus tard, Tryphon vint avec Antiochos [fils d’Alexandre Ier Balas]. Bien que très jeune encore, celui-ci fut nommé roi et couronné. Toutes les troupes que Démétrios Ier avait renvoyées se rallièrent à Antiochos VI, et firent la guerre à Démétrios II, qui fut vaincu et dut s’enfuir. Tryphon s’empara des éléphants de combat et devint le maître d’Antioche", Maccabées 1 11.54-56), Jonatan n’a encore aucun problème de conscience à se laisser caresser par ce nouveau roi, qui reconnaît en Simon, le troisième fils de Mattatias, donc frère de Judas Maccabée et de Jonatan, le gouverneur du territoire côtier entre Tyr et la frontière égyptienne - qui depuis -145, rappelons-le, est repassé sous contrôle lagide ("Le jeune Antiochos VI écrivit à Jonatan en ces termes : “Je te confirme ta fonction de Grand Prêtre, ta domination sur les quatre districts [c’est-à-dire la Judée et les trois districts samaritains détachés par Démétrios II], et ton titre d’Ami royal”. Il lui envoya des vases d’or avec un service de table et il lui accorda le droit de boire dans des coupes en or, et de porter le pourpre [couleur des vêtements royaux hellénistiques] et l’agrafe d’or [insigne réservé aux parents du roi]. Il nomma Simon, frère de Jonatan, stratège du territoire compris entre le mont Klimakos Tyrou ["Kl…makoj"TÚrou"/"l’Echelle de Tyr"] et la frontière de l’Egypte", Maccabées 1 11. 57-59). Maccabées 1 prend bien soin de dire que Jonatan et ses compagnons juifs adoptent une attitude défensive à Hassor contre les troupes restées fidèles à Démétrios II, qui essaie de recouvrer son trône (versets 67 à 74 chapitre 11), en soulignant que dès que ces troupes "prennent la fuite" (verset 72 chapitre 11), Jonatan "retourne à Jérusalem" (verset 74 chapitre 11) sans chercher à leur nuire davantage : cela permet d’atténuer le fait qu’Hassor se situe en Galilée, un territoire où Jonatan n’a aucune légitimité à mettre ses pieds et encore moins ses soldats, autrement dit Jonatan a retourné sa veste en se dressant contre son allié de la veille Démétrios II, soit pour servir les intérêts du nouveau roi Antiochos VI, soit plus probablement dans l’espoir de grappiller des nouveaux territoires au détriment conjoint d’Antiochos VI et de Démétrios II. Même conclusion un peu plus loin, quand Maccabées 1 évoque une altercation entre Jonatan et les troupes de Démétrios II à Hamath (verset 24 à 30 chapitre 12) s’achevant par la fuite de ces dernières "prises de panique" à la vue de Jonatan (verset 28 chapitre 12), qui, plein de bonté, les laisse se réfugier au-delà du fleuve Eleuthère (aujourd’hui le fleuve Al-Kabir, verset 30 chapitre 12) : cela d’atténuer pareillement le fait qu’Hamath se situe sur le lointain fleuve Oronte, à la frontière entre Phénicie et Syrie où Jonatan n’a encore aucune légitimé à mettre ses pieds ni ses soldats, et qu’un tel engagement sert autant les intérêts du nationalisme juif que les intérêts du nouveau roi Antiochos VI. Après quelques mois, l’intrigant Tryphon, dont l’appétit de pouvoir dépasse la mesure, décide de devenir roi à la place du jeune Antiochos VI qu’il a pourtant contribué à installer sur le trône ("Tryphon cherchait à régner sur la Koilè-Syrie et à être couronné roi, en se débarrassant d’Antiochos VI", Maccabées 1 12.39). Craignant que Jonatan, dont l’influence politique et militaire s’est grandement accrue au fil des événements récents, lui cause du souci, il fomente son élimination ("Mais [Tryphon] craignait que Jonatan l’empêchât de réaliser son projet et vienne lui faire la guerre. Il résolut donc de le capturer pour l’assassiner, et se mit en route pour Beth-Shéan", Maccabées 1 12.40). Maccabées 1 a beaucoup de mal à masquer que Jonatan, jusqu’alors méfiant, baisse sa garde dès que Tryphon lui promet la cessation de Ptolémaïs et des forteresses alentour (verset 45 chapitre 12), autrement dit à masquer que Jonatan est un homme facilement corruptible. Tryphon ayant ainsi réussi à attirer Jonatan dans Ptolémaïs, il le fait encercler ("Dès que [Jonatan] fut entré dans Ptolémaïs, les habitants refermèrent les portes de la cités. Ils s’emparèrent de Jonatan et massacrèrent tous ceux qui étaient entrés avec lui. Là-dessus Tryphon envoya des fantassins et des cavaliers en Galilée et dans la grande plaine [de Beth-Shéan] pour y tuer tous les soldats de Jonatan", Maccabées 1 13.23) et assassiner ("Quand [Tryphon] arriva près de Beth-Seqma [sur la côte à la pointe nord du mont Carmel, en face de Ptolémaïs], il fit assassiner Jonatan, et on l’enterra à cet endroit", Maccabées 1 13.23). L’usurpateur peut ensuite se débarrasser d’Antiochos VI et se proclamer roi ("Tryphon trahit le jeune roi Antiochos VI et l’assassina. Il prit sa place, se fit couronner roi de Koilè-Syrie et causa de graves troubles dans le pays", Maccabées 1 13.31-32).


Simon, frère et successeur de Jonatan au titre de Grand Prêtre et de chef du territoire autonome d’Israël ("Les paroles de Simon ranimèrent le courage de la foule. Les juifs lui répondirent en criant : “C’est toi notre chef maintenant, à la place de tes frères Judas [Maccabée] et Jonatan ! Conduis-nous au combat et nous ferons tout ce que tu nous diras !”. Alors Simon rassembla tous les hommes aptes au combat. Il se hâta d’achever ma reconstruction des murailles de Jérusalem et de renforcer les fortifications autour de la ville", Maccabées 1 13.7-10), profite de la situation : en -142 il envoie des représentants aplanir la relation avec Démétrios II ("[Simon] choisit des ambassadeurs, et les envoya demander au roi Démétrios II de libérer la Judée de l’obligation de payer des impôts, car Tryphon ne faisait rien d’autre que piller le pays", Maccabées 1 13.34). Ce dernier depuis son asile syrien accepte de pardonner les égarements de Jonatan, et confirme tous les privilèges qu’il a accordés aux Judéens trois ans plus tôt : c’est cette année -142 que les juifs nationalistes retiennent comme première année du nouvel Etat indépendant d’Israël ("Démétrios II fit parvenir à Simon une lettre répondant favorablement à sa demande : “Le roi Démétrios II salue Simon, Grand Prêtre et Ami royal, ainsi que les anciens et le peuple juifs. J’ai reçu la couronne d’or et la palme que vous m’avez envoyées en cadeau. Je suis prêt à signer avec vous un traité de paix générale et à écrire aux fonctionnaires de vous consentir des exemptions d’impôts. Tout ce que je vous ai déjà accordé, est confirmé. Les forteresses que vous avez bâties vous appartiennent. Je vous pardonne les erreurs et les fautes que vous avez commises jusqu’à ce jour. Vous êtes dispensés de tout impôt extraordinaire, et même si une quelconque taxe est instaurée à Jérusalem vous n’y serez plus soumis. Si des gens qualifiés parmi vous veulent s’engager dans la garde royale, je les accepte. Que la paix revienne entre nous”. C’est ainsi, en 170 [du calendrier séleucide], qu’Israël fut enfin libéré des peuples païens, et que l’on commença à dater les documents et les contrats de la façon suivante : “La première année après l’investiture de Simon, Grand Prêtre, stratège et hégémon des juifs”", Maccabées 1 13.35-42). Deux ans plus tard, Démétrios II toujours isolé se risque à chercher des ressources humaines et matérielles dans les territoires de l’est, qui au fil des décennies sont tombés sous l’influence des Parthes : ces derniers, débordant largement leur royaume originel, ont créé un nouvel Empire s’étendant progressivement sur la Médie, sur la Perse, sur la Mésopotamie. L’entreprise de Démétrios II tourne court, puisqu’il est battu et capturé par le roi parthe Arsacès V-Mithridate Ier ("En 172 [du calendrier séleucide], le roi Démétrios II rassembla ses troupes et partit pour la Médie afin d’y chercher de l’aide pour combattre Tryphon. Quand Arsacès V, qui régnait sur la Perse et sur la Médie, apprit que Démétrios II avait pénétré sur ses terres, il envoya un de ses généraux avec un contingent pour le prendre vivant. Le général partit, il battit l’armée de Démétrios II, le captura, et l’amena à Arsacès V, qui l’emprisonna", Maccabées 1 14.1-3). Pendant ce temps, en Méditerranée orientale, le frère de Démétrios II prépare également le renversement de l’usurpateur Tryphon. Il passe à l’acte en -138 : il débarque à Antioche, est acclamé par la troupe comme nouveau roi sous le nom d’Antiochos VII, obligeant Tryphon à s’enfuir ("En 174 [du calendrier séleucide], Antiochos débarqua dans le pays de ses ancêtres. Toutes les troupes se rallièrent à lui, très peu demeurèrent fidèles à Tryphon. Ce dernier, poursuivi par Antiochos VII, s’enfuit à Dor au bord de la mer", Maccabées 1 15.10-11). Sans nous dire ce que devient ce dernier (le verset 37 chapitre 37 dit seulement que Tryphon trouve refuge à Ortosia sur la côte phénicienne), Maccabées 1 opère alors un gros raccourci historique pour raconter comment en -134, soit quatre ans plus tard, Simon est assassiné traîtreusement par un de ses proches portant un nom grec et vendu à la cause d’Antiochos VII ("Ptolémée fils d’Aboulos, gouverneur de la plaine de Jéricho, avait beaucoup d’or et d’argent car il était le gendre du Grand Prêtre Simon. Cela le rendit ambitieux, et il voulut devenir le maître du pays. Il projeta donc de se débarrasser par ruse de Simon et de ses fils. Simon à ce moment-là parcourait les cités du pays, se préoccupant de leurs besoins. Il descendit à Jéricho, accompagné de ses fils Mattatias et Judas, au cours du onzième mois de shévat, en 177 [du calendrier séleucide]. Le fils d’Aboulos les reçut dans la petite forteresse, appelé Dok, qu’il avait fait construire. Dissimulant ses intentions, il leur servit un grand banquet. Mais il avait caché des hommes dans le fort. Quand Simon et ses fils eurent beaucoup bu, Ptolémée et ses hommes entrèrent en action : ils saisirent leurs armes, se précipitèrent sur Simon dans la salle du banquet, et le tuèrent, ainsi que ses deux de fils et quelques-uns de ses serviteurs. […] Après quoi, Ptolémée adressa au roi Antiochos VII un rapport écrit de ces événements, en lui demandant d’envoyer des troupes de renfort pour qu’il puisse lui livrer les cités et le pays", Maccabées 1 16.11-18).


C’est ainsi, après un renvoi vers un livre qui n’est pas parvenu jusqu’à nous racontant la vie de Jean-Hyrcan Ier, fils et successeur de Simon à la tête de la principauté d’Israël ("Quelqu’un se précipita à Guézer assez tôt pour prévenir Jean que son père [Simon] et ses frères venaient d’être assassinés, et lui dire : “Ptolémée a envoyé des hommes pour te tuer également”. Cette nouvelle mit Jean hors de lui. Informé de ce projet d’assassinat, il fit arrêter les hommes envoyés pour cela et les fit mettre à mort. Le reste de l’histoire de Jean, ses combats, ses exploits, la construction des murailles et ses autres actions, tout cela est raconté dans le livre consacré son Grand Pontificat, après qu’il eût succédé à son père", Maccabées 1 16.21-24), que s’achève Maccabées 1. Cette fin abrupte est en fait soigneusement calculée. Elle permet de donner au lecteur l’image d’un monde grec totalement déchiré par des basses rivalités nourries d’ambition et d’orgueil, entre un roi légitime (Démétrios II) toujours vivant mais n’ayant plus aucun pouvoir puisqu’il est prisonnier d’Arsacès V-Mithridate Ier, un frère du roi (Antiochos VII) qui prétend à la couronne mais ne peut pas être légitime tant que son frère est vivant ou qu’il refuse de céder son titre, et un usurpateur (Tryphon) dont la présence menace toujours les deux précédents (en réalité, Tryphon selon le paragraphe 358 livre XI de l’Histoire romaine d’Appien est finalement rattrapé et tué par Antiochos VII, selon l’alinéa 2 paragraphe 5 livre XIV de la Géographie de Strabon il se suicide dans la cellule où l’a enfermé Antiochos VII, à une date incertaine, en tous cas avant la campagne qu’Antiochos VII lance contre les Parthes en -130), face à une communauté juive idéalement unie autour de la famille charismatique et héroïque des Asmonéens. Telle qu’elle est présentée dans Maccabées 1, la résistance de ces nationalistes juifs unis - et plus malins que les Grecs, puisque ceux-ci croient manipuler les juifs dans leurs querelles fratricides en leur accordant privilèges sur privilèges, sans voir que ces cessations de privilèges les mutilent, jusqu’à apporter l’indépendance aux juifs - apparaît comme la preuve de la perversité morbide des Grecs décrite par Jésus ben Sirac dans son Siracide, et comme la réalisation concrète du programme politique élaboré dans ce même Siracide, d’un rejet de l’hellénisme et d’un resserrement de la communauté juive autour de l’autorité centrale solennellement réaffirmée du Temple de Jérusalem, dans un territoire théocratique autogéré.

  

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