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Le temps perdu

Parodos

Acte I : Origines

Acte II : Les Doriens

Acte V : Le christianisme

Acte III : Sophocle

Le temps gagné

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© Christian Carat Autoédition

Acte IV : Alexandre

La conquête de l’Anatolie centrale (printemps-été -333)


Au printemps -333, Alexandre et Memnon de Rhodes sont dans une situation délicate. Alexandre a conquis tous les ports de la côte ouest et sud de l’Anatolie, à l’exception de celui d’Halicarnasse et de ceux de la Cilicie, il contraint ainsi Memnon et sa flotte soit à se laisser enfermer à Halicarnasse, soit à rester au large en s’appuyant sur Rhodes (36°26'23"N 28°12'37"E), soit à accoster en Cilicie, soit à abandonner momentanément la partie en se repliant vers les ports de Chypre, de Phénicie, de Palestine ou d’Egypte. Mais les problèmes restent nombreux. Primo, il est menacé d’encerclement : les rescapés perses de la bataille du Granique se sont effectivement regroupés dans le centre et le nord de l’Anatolie et reforment des régiments, il est évident qu’ils attaqueront bientôt sur les arrières de l’armée grecque pour la couper de ses ravitaillements en provenance de Grèce. Secundo, les arrières des Grecs peuvent être attaqués en même temps par voie maritime, par la flotte de Memnon toujours intacte. Que faire ? Continuer à longer la côte sud anatolienne pour s’emparer des ports de Cilicie ? En agissant ainsi, on fragilisera certainement la situation de Memnon, mais on étirera davantage la ligne de ravitaillement en l’affaiblissant, on laissera Memnon et les Perses du centre et du nord anatoliens libres d’attaquer en un point quelconque de cette ligne de ravitaillement, par exemple en direction d’Halicarnasse pour libérer Orontobatès assiégé. De plus, la route de la côte jusqu’en Cilicie est périlleuse : la plage est coincée entre la mer et les monts du Taurus, du haut desquels les Perses peuvent attaquer. Emprunter cette route, c’est risquer de reproduire le scénario de la bataille des Thermopyles en -480, où les Grecs spartiates s’étaient laissé encercler par les Perses de Xerxès Ier. Ne reste donc qu’une solution : il faut remonter vers le nord, conquérir le centre de l’Anatolie pour reculer la menace des Perses qui s’y sont réfugiés et sécuriser la côte. Memnon n’est pas davantage dans une position confortable. Certes sa flotte est indemne, et elle peut se replier vers les ports de l’est méditerranéen. Mais se replier, cela signifie laisser à Alexandre le temps de consolider ses positions, notamment de prendre la presqu’île d’Halicarnasse, lui garantir la tranquillité de ses arrières et la possibilité d’engager le gros de ses troupes contre les Perses du centre et du nord anatoliens. Sur un plan personnel, la situation se complique encore par le fait que le commandement que Darius III lui a confié est soumis à l’obligation de résultats sous peine de représailles, alors même que selon Polyen Alexandre s’arrange pour le décrédibiliser en épargnant ses biens ("Alexandre en Asie ordonna à ses troupes d’épargner du pillage les terres de Memnon le général des Perses. Il réussit finalement, par ce moyen, à le rendre suspect", Polyen, Stratagèmes, IV, 3.15 ; c’est la tactique que jadis en -431, au tout début de la deuxième guerre du Péloponnèse, Archidamos II a utilisée contre Périclès : lors de son invasion de l’Attique, le roi spartiate a soigneusement évité de ravager les propriétés du stratège athénien pour attirer sur lui des soupçons de connivence avec l’ennemi spartiate, et en même temps pour lui signifier qu’un compromis était toujours possible). Memnon n’a pas davantage de choix qu’Alexandre : il doit attaquer la ligne côtière contrôlée par les Grecs, si possible à proximité de leur base de débarquement, vers Abydos, pour retenir une partie de leurs forces, soulager Orontobatès à Halicarnasse, et permettre aux Perses du reste de l’Anatolie d’organiser une contre-offensive générale.


Les deux hommes s’engagent dans la voie qui conduira à leur victoire ou à leur défaite. Memnon se faufile en mer Egée. Il reconquiert l’île de Chio ("Memnon, à qui Darius III avait confié le commandement de toute la flotte et des côtes maritimes, voulant porter la guerre en Macédoine et en Grèce, prit l’île de Chio par trahison", Arrien, Anabase d’Alexandre, II, 1.1), puis il débarque sur l’île de Lesbos dont il soumet une grande partie ("Naviguant ensuite vers Lesbos, [Memnon] passa devant Mytilène, qui refusa de se rendre. Il s’empara donc de toutes les autres cités de l’île de Lesbos, puis revint mettre le siège devant Mytilène, qu’il cerna par une double circonvallation s’étendant d’un rivage à l’autre qui, flanquée de cinq forts, l’isola du côté de la terre, tandis qu’une partie de sa flotte occupait le port et que le reste prit position à Sigrion, promontoire de Lesbos, pour en écarter facilement les éventuels navires de secours aux Mytiléniens en provenance de Chio, de Géraistos et de Malée", Arrien, Anabase d’Alexandre, II, 1.1-2 ; "[Memnon] conduisit la flotte et ses soldats à Chio, qu’il attira dans son parti. De là il se rendît sur l’île de Lesbos. Il se rendit vite maître d’Antissa, de Méthymna, de Pyrra et d’Eressos. La grande cité de Mytilène avait été équipée de nombreux fortins et était défendue par une forte garnison : ce ne fut qu’avec beaucoup de peines et après un long siège qu’il l’emporta", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.29). Face à ces succès, les principales cités de l’archipel des Cyclades se soumettent spontanément à lui, et la nouvelle de leur défection amènent d’autres cités grecques continentales, en particulier Sparte, à se demander si le moment n’est pas venu d’entrer ouvertement en guerre contre les Macédoniens ("La réputation de ce stratège [Memnon] s’étant répandue, la plupart des îles Cyclades lui envoyèrent des ambassadeurs pour lui offrir leur soumission. Le bruit courut aussi en Grèce que Memnon amenait sa flotte contre l’Eubée, toutes les cités de cette île en furent alarmées. Ceux des Grecs qui inclinaient pour le Grand Roi de Perse, parmi lesquels les Spartiates, formèrent l’espoir d’un bouleversement universel", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.29). De son côté, tournant le dos aux habitants de Termessos qui résistent encore, Alexandre s’engage vers l’Anatolie centrale. Il s’empare rapidement de Sagalassos (site aujourd’hui abandonné près de l’actuelle Burdur en Turquie, 37°40'41"N 30°31'17"E) défendue par les autochtones et par les Termesséens qui les ont rejoints : les uns et les autres sont définitivement écrasés ("Le siège de [Termessos] [rappelons ce que nous avons dit à la fin de notre précédent alinéa : Arrien ou un de ses copistes a écrit "Telmissé/TelmhssÒj", cité à la frontière entre la Carie et la Lycie, au lieu de "Termessos/TermhssÒj", cité de Pisidie au nom phonétiquement et graphiquement proche en grec, que nous restituons ici] paraissant devoir traîner en longueur, [Alexandre] marcha sur Sagalassos, grande cité habitée par des Pisidiens aussi réputés par leur bravoure face aux leurs que les Pisidiens en général le sont face aux autres peuples. Ceux-ci occupaient une montagne qui protégeait la ville, qu’ils croyaient pouvoir opposer à l’ennemi comme un rempart. Alexandre disposa ainsi l’attaque : il plaça les hypaspistes à l’aile droite qu’il commandait, tandis que près d’eux les hétaires à pied s’étendaient jusqu’à l’aile gauche, sous les ordres des chefs nommés pour ce jour, en l’occurrence Amyntas protégé par les archers thraces conduits par Sitalkès, les hommes de traits et les Agriens étaient positionnés devant l’aile droite. L’escarpement des lieux rendait la cavalerie inutile. En face, les [Termesséens] réunis aux Pisidiens se rangèrent aussi en bataille. Les troupes d’Alexandre commencèrent à gravir la montagne, atteignirent les hauteurs les plus difficiles, lorsque les barbares quittèrent leurs retranchements pour fondre sur les deux ailes, où ils avaient le plus d’avantage, embarrassant ainsi l’ennemi, dispersant les premiers hommes de traits armés trop légèrement pour résister. Mais les Agriens tinrent ferme en voyant s’approcher la phalange macédonienne dirigée par Alexandre. Dès qu’elle fut sur les lieux, les barbares, combattant nus face à des hommes lourdement armés, tombèrent percés ou s’enfuirent. Environ cinq cents trouvèrent la mort. Le plus grand nombre dut son salut à la légèreté de son équipement, à la promptitude de sa fuite, et à la connaissance du terrain, car les Macédoniens qui ne le connaissait pas et chargés de leurs armures pesantes hésitèrent à les poursuivre. Alexandre néanmoins ne laissa pas de répit aux fuyards : il les suivit et s’empara de leur cité", Arrien, Anabase d’Alexandre, I, 28.2-8). Il traverse le marais d’Ascania (site inconnu : "[Alexandre] pénétra en Phrygie par le marais d’Ascania, où se trouve un sel fossile que les habitants emploient au lieu du sel marin", Arrien, Anabase d’Alexandre, I, 29.1), puis se présente devant Kélainai (aujourd’hui Dinar en Turquie, 38°04'25"N 30°10'22"E, cité construite autour de la source du fleuve Méandre, où la tradition place le célèbre duel entre Apollon et Marsyas, et où les Grands Rois depuis Xerxès Ier ont aménagé le grand parc et le magnifique palais que Xénophon a visités naguère en -401 avec les Dix Mille comme nous l’avons vu dans notre paragraphe introductif), capitale de Haute-Phrygie dont le satrape Atizyès rescapé du Granique refuse d’ouvrir les portes ("[Alexandre] arriva devant la cité de Kélainai, bâtie sur un rocher à pic. Elle était gardée par une troupe de mille Cariens et de cent Grecs sous l’autorité du satrape de Phrygie", Arrien, Anabase d’Alexandre, I, 29.1 ; "Alexandre pénétra dans la cité [de Kélainai], qu’il trouva déserte. Avant d’attaquer les habitants réfugiés dans la citadelle, il leur envoya un émissaire muni du caducée les prévenir qu’ils seraient traités avec la plus grande rigueur s’ils ne se rendaient pas. Ils firent monter l’émissaire sur une tour très élevée construite sur une butte, afin qu’il observe la hauteur de la tour par rapport au niveau du sol et reparte dire à Alexandre qu’ils avaient une autre opinion que lui sur leurs moyens de défense : ils se savaient inexpugnables et étaient prêts à sacrifier leur vie par fidélité au Grand Roi", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 1.6-7). La difficulté d’accès de cette cité s’avère rapidement un handicap pour les deux parts : Alexandre est bien conscient qu’il ne pourra pas la conquérir sans un long siège, mais les assiégés sont également bien conscients que les ravitaillements et les secours éventuels leur seront difficilement acheminés. Les Kélainéens proposent donc un compromis : ils promettent que si dans un délai de soixante jours aucune armée perse ne vient à leur secours, ils se rendront sans combattre. Alexandre accepte le marché. Il laisse Antigone le Borgne, futur fondateur de la dynastie des Antigonides, comme satrape de Haute-Phrygie ("[Les Kélainéens] envoyèrent une ambassade vers Alexandre pour promettre de se rendre si aucun secours ne leur venait à un jour fixé. Alexandre trouva plus d’avantage dans cette condition que dans un siège, vu la position inaccessible du fort. Il laissa dans la cité quinze cents hommes. Il y passa lui-même une dizaine de jours avant de nommer Antigone fils de Philippe satrape de Phrygie, qu’il remplaça par Balakros à la tête des troupes auxiliaires", Arrien, Anabase d’Alexandre, I, 29.2-3 ; "Quand ils virent que la citadelle était assiégée et que leur situation s’aggravait de jour en jour, [les Kélainéens] conclurent une trêve de soixante jours : si Darius III ne leur envoyait pas de secours entre-temps, ils capituleraient. Aucun secours ne vint, ils se rendirent donc au roi à la date convenu", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 1.8) en remplacement d’Atizyès qui s’enfuit et qu’on retrouvera quelques mois plus tard à la bataille d’Issos, et continue sa route. Il atteint et prend Gordion (aujourd’hui Yassihöyük en Turquie, 39°39'01"N 31°58'41"E), troisième cité-étape de la Voie Royale (après Sardes et Léontoképhalos) qu’Agésilas II n’a pas réussi à conquérir en -395, il y tranche le célèbre nœud (d’où l’expression "trancher un nœud gordien" signifiant "résoudre un problème inextricable par une action brutale", même si historiquement un doute subsiste sur l’historicité de cette action brutale puisque selon Aristobule, compagnon de l’épopée alexandrine qui a probablement assisté à la scène, le conquérant n’a pas tranché le nœud mais a simplement retiré la cheville sur lequel il était enroulé pour qu’il se défasse de lui-même : "Arrivé à Gordion, Alexandre monta dans la citadelle, au palais de Gordios et de son fils Midas, curieux de voir le char de ce roi et le nœud qui en retenait le joug. A ce nœud on associait jusque dans les contrées voisines le récit suivant. Gordios était, disait-on, un homme peu fortuné de l’ancienne Phrygie, propriétaire d’un petit champ et de deux paires de bœufs dont l’une lui servait à traîner le char et l’autre à labourer. Un jour qu’il conduisait la charrue, un aigle vint se percher sur le joug, et y demeura jusqu’à la dételer. Etonné de ce prodige, Gordios voulut consulter les devins éclairés de Telmissé, qui dès leur plus tendre jeunesse avaient le don de prophétiser de même que leurs femmes et leurs enfants. Il approchait d’un hameau quand il rencontra une jeune fille qui allait puiser à une fontaine. Il lui raconta son aventure. Cette jeune fille était une prophétesse : elle lui ordonna de se rendre dans la cité pour y sacrifier au roi Zeus. Gordios la pria de l’accompagner et de lui enseigner le mode du sacrifice, la jeune fille y consentit. Gordios la prit pour femme, et en eut un fils qu’il nomma Midas. Parvenu à l’adolescence, ce dernier se distingua autant par sa beauté que par son courage. Des troubles graves éclatèrent en Phrygie. On consulta l’oracle, qui répondit que la sédition s’apaiserait quand on verrait arriver sur un char celui qui était destiné au trône. Les habitants rassemblés délibéraient sur cette réponse, lorsque Midas parut au milieu d’eux, accompagné de ses parents, et monté sur un char. On lui appliqua la prédiction : “Voilà celui dont le dieu avait annoncé l’arrivée !”, dit-on, et on l’élit roi. Il termina les divisions, et consacra au premier des dieux le char sur lequel l’aigle messager s’était posé. On ajoutait que celui qui délierait le nœud qui attachait le joug, obtiendrait l’empire de l’Asie. Ce nœud était formé d’écorce de cornouiller, il était réalisé avec un tel art que l’œil ne pouvait en démêler le commencement ni la fin. Alexandre ne voyant aucun moyen d’en venir à bout, et ne voulant pas renoncer à l’épreuve par crainte d’ébranler les esprits, tira son épée et trancha le nœud en s’écriant : “Le voilà défait !”. Selon Aristobule, c’est en enlevant la cheville de bois reliant le timon au joug, que le roi sépara l’un et l’autre. J’ignore laquelle de ces deux versions est la vraie. En tous cas le roi et son entourage abandonnèrent le char, estimant que les conditions de l’oracle étaient remplies", Arrien, Anabase d’Alexandre, II, 3.1-8 ; "[Alexandre] marcha ensuite vers Gordion, située entre les deux Phrygies, désireux de s’en rendre maître non pas pour la piller mais parce que dans le temple de Zeus se trouvait le joug du chariot de Gordios dont d’anciens oracles promettaient l’empire de l’Asie à qui en délierait le nœud. Voici l’origine de cette tradition. Gordios labourait dans ce pays avec des bœufs loués, quand des oiseaux de différentes espèces vinrent voltiger à ses côtés. II se rendit à la cité voisine pour consulter les augures. En y arrivant, il rencontra une jeune fille d’une rare beauté, et lui demanda quel augure il devait interroger. Cette fille, initiée par ses parents à l’art de la divination, s’informa du prodige dont il voulait connaître le sens : elle lui annonça qu’il deviendrait roi, et qu’elle souhaitait s’unir à celui qu’attendait cette haute destinée. Gordios considéra son offre comme un heureux prélude de son règne. Après son mariage, des troubles éclatèrent en Phrygie, et l’oracle consulté sur le moyen de calmer ces discordes répondit qu’elles finiraient quand le pays aurait un roi. Interrogé de nouveau sur le choix du souverain, le dieu ordonna aux habitants de couronner le premier qu’ils trouveraient à leur retour conduisant un char vers le temple de Zeus. Gordios parut le premier, et fut aussitôt proclamé roi. Il déposa dans le temple de Zeus, pour l’y consacrer en mémoire de son élévation, le chariot qui lui avait permis d’obtenir la couronne. Midas, son fils et son successeur, initié par Orphée aux mystères et aux rites sacrés, répandit dans toute la Phrygie le culte du dieu, et jouit d’une vie paisible et fortunée par sa protection davantage que par la force des armes. Alexandre, maître de la cité, entra dans le temple de Zeus. On lui montra le joug du char de Gordios. Ne trouvant pas l’extrémité des courroies, cachée dans l’épaisseur du nœud, il éluda brusquement l’oracle en tranchant ces liens d’un coup d’épée. Ayant de cette façon divisé le nœud, il découvrit les bouts qui y étaient enfoncés", Justin, Histoire XI.7 ; "Après avoir soumis la cité [de Gordion], Alexandre entra dans le temple de Zeus. Il remarqua le char qui avait porté Gordios le père de Midas, qu’à première vue rien de distinguait des modèles ordinaires. C’est le nœud qui attirait l’attention : il était fixé par des liens si bien enchevêtrés qu’on ne voyait pas comment le détacher. Les habitants lui dirent que d’après un oracle celui qui déferait ce nœud inextricable deviendrait le maître de l’Asie. L’envie le prit de tenter l’épreuve. Phrygiens et Macédoniens se pressèrent autour du roi, les uns brûlant d’impatience, les autres inquiets de sa témérité, cette suite de nœuds étant formée avec tant d’art que ni l’œil ni l’esprit n’en pouvaient découvrir le commencement ou la fin, et la résolution hardie de la dénouer risquant, en cas d’échec, d’être considérée comme un fâcheux présage. Sans perdre beaucoup de temps à retrouver l’endroit d’où partait le nœud, il s’écria : “Peu importe la façon dont on le défait !”, et coupa toutes les lanières avec son épée, éludant ainsi l’oracle en l’accomplissant", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 1.14-18 ; "[Alexandre] se rendit maître de Gordion, capitale du royaume de l’ancien Midas, où il vit le célèbre char dont le joug était lié avec une écorce de cormier. On lui apprit l’ancienne tradition, considérée par les barbares comme fondée, selon laquelle l’empire universel reviendrait à celui qui délierait ce nœud. Celui-ci était fait avec tant d’adresse et replié tant de fois sur lui-même, qu’on ne pouvait en apercevoir les bouts. Alexandre, désespérant de le délier, le coupa avec son épée, et on découvrit alors ses extrémités. Aristobule prétend qu’Alexandre le délia simplement en ôtant la cheville qui tenait le joug attaché au timon, puis en tirant le joug à lui", Plutarque, Vie d’Alexandre 18). C’est là que Parménion le rejoint, avec des renforts levés en Grèce durant l’hiver -334/-333 ("[Alexandre] se rendit à Gordion après avoir écrit à Parménion d’y venir le rejoindre avec son armée. Ce stratège arriva de Macédoine renforcé des Grecs qu’il y avait enrôlés, et des recrues conduites par Ptolémée fils de Séleucos, Koinos fils de Polémocratos et Méléagre fils de Néoptolème, soit trois cents cavaliers et mille hommes d’infanterie macédoniens, deux cents cavaliers thessaliens, et cent cinquante Eléens sous la conduite d’Alkias d’Elée", Arrien, Anabase d’Alexandre, I, 29.3-4 ; "[Selon Callisthène], avant qu’Alexandre entrât en Cilicie, un renfort de cinq mille fantassins et de huit cents cavaliers lui vint de Macédoine", Polybe, Histoire, XII, fragment 19.2) Puis il continue sur la Voie Royale, il prend la quatrième cité-étape, Ancyre (à environ soixante-dix kilomètres au nord-est de Gordion, aujourd’hui Ankara, capitale de la Turquie, 39°56'32"N 32°51'40"E), et atteint le fleuve Halys (aujourd’hui le Kızıl Irmak). Il peut alors envisager de descendre ce fleuve et de couper en deux les derniers Perses et leurs alliés retranchés pour une moitié sur la rive gauche en Paphlagonie et pour l’autre moitié sur la rive droite en Cappadoce. Selon Arrien et Quinte-Curce, les Paphlagoniens se soumettent spontanément, ils sont aussitôt intégrés au gouvernement de Callas fils d’Harpale qui, rappelons-le, est satrape de Phrygie hellespontique depuis la victoire du Granique. N’ayant plus besoin de pénétrer en Paphlagonie, Alexandre se tourne donc vers la Cappadoce ("Alexandre partit pour Ancyre en Galatie [anachronisme de la part d’Arrien : le territoire de Galatie ne sera ainsi désigné qu’au IIIème siècle av. J.-C., à la suite de l’invasion des Gaulois/Celtes qui profiteront des interminables querelles entre les successeurs d’Alexandre pour s’y installer et qui lui donneront finalement leur nom]. Des députés de Paphlagonie vinrent lui soumettre leur pays et proposer une alliance, à condition que son armée n’envahît pas leur territoire. Il intégra cette province à la satrapie de Phrygie. Ensuite il marcha vers la Cappadoce, il soumit une grande partie du pays de part et d’autre du haut fleuve Halys", Arrien, Anabase d’Alexandre, II, 4.1-2 ; "Après Ancyre où il passa en revue son armée, [Alexandre] pénétra en Paphlagonie. […] Toute la région se soumit à ses ordres. Après avoir livré des otages, les habitants obtinrent le privilège de ne pas payer de tribut puisqu’ils n’en payaient pas aux Perses. Callas fut chargé de contrôler le pays. Emmenant avec lui les soldats qui venaient d’arriver de Macédoine, Alexandre se rendit en Cappadoce", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 1.22).


Mais un événement imprévu va tout précipiter. Memnon de Rhodes meurt soudain de maladie ("Pourtant la fortune ne permit pas à Memnon de porter plus loin ses succès. Il tomba dans une défaillance totale qui se changea en douleurs violentes, qui l’emportèrent bientôt", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.29). Darius III est en même temps abattu et furieux ("Mais une maladie emporta Memnon. Sa mort fut la plus grande perte qu’éprouva Darius III", Arrien, Anabase d’Alexandre, II, 1.3 ; "La nouvelle de la mort de Memnon frappa durement Darius III. Il décida de conduire la guerre en personne. Il blâma toutes les actions de ses généraux, estimant qu’à la plupart d’entre eux le talent avait manqué, et à tous la fortune", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 2.1). A Babylone où il rassemble une grande armée ("[Darius III] établit son camp près de Babylone. Pour rassurer ses hommes en début de campagne, il déploya la totalité de ses troupes et passa son armée en revue comme jadis Xerxès Ier [en -480 à Doriscos, au moment de l’invasion de la Grèce], à l’intérieur d’une palissade pouvant contenir dix mille soldats", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 2.2 ; "Darius était déjà parti de Suse, plein de confiance dans la multitude de ses troupes, qui montaient à plus de six cent mille combattants", Plutarque, Vie d’Alexandre 18), il hésite : doit-il confier cette nouvelle puissance à un nouveau chef, ou doit-il prendre lui-même le commandement de toutes ces troupes pour pallier à ses généraux et à ses alliés qui, par incompétence ou par malchance, n’ont pas brillé depuis le débarquement d’Alexandre à Abydos l’année précédente ? A l’occasion d’une revue, Darius III demande conseil à son entourage, dans lequel se retrouve l’aventurier Charidèmos d’Orée naturalisé athénien, exilé en Perse depuis qu’Alexandre après sa prise et sa destruction de Thèbes en -335 a obtenu qu’il soit chassé d’Athènes, comme nous l’avons vu à la fin de notre paragraphe introductif. A Darius III qui s’enorgueillit d’avoir la plus formidable armée du monde, Charidèmos répond que le nombre n’est pas synonyme de puissance, que si l’armée des Macédoniens est certes moins impressionnante quantitativement les soldats qui la composent sont néanmoins parfaitement entraînés, organisés, motivés, et que pour s’opposer à une telle machine de guerre aucune autre solution n’existe que former une machine de guerre équivalente, autrement dit il faut débaucher les Grecs qui suivent Alexandre avec l’or perse comme la majorité des Grands Rois l’ont fait depuis Darius Ier, et laisser ces Grecs corrompus par l’or perse se retourner contre le chef macédonien sans s’encombrer avec des régiments venus des quatre coins de l’Empire qui ne parlent la même langue et qui seront d’une efficacité nulle en cas de bataille ("Le Grand Roi contemplait avec satisfaction l’ensemble des troupes qu’il avait sous les yeux. Les dignitaires, habitués à le flatter, l’entretenaient dans ses illusions. Il se tourna alors vers son conseiller militaire, l’Athénien Charidèmos, banni par Alexandre qui ne lui avait pas pardonné. Darius III lui demanda s’il le croyait assez fort pour écraser l’ennemi. Il lui répondit sans tenir compte de sa situation ni de la susceptibilité des Grands Rois : “La vérité va peut-être te déplaire, mais si je ne te parle pas aujourd’hui ma franchise ne te servira à rien quand ce sera trop tard. Cette armée si impressionnante, ce mélange de tant de races venues de tout l’Orient, peut frapper d’effroi les peuples voisins : la pourpre et l’or qu’on voit briller, les armures qui scintillent sont le signe d’une richesse qu’on ne saurait imaginer si elle ne s’étalait pas sous nos yeux. L’armée macédonienne qui à première vue n’est guère impressionnante et manque de panache, abrite derrière ses boucliers et ses lances des bataillons compacts inébranlables et des fantassins en rangs serrés. On appelle « phalange » ce corps d’infanterie qui combat avec fermeté. Les hommes comme les armes sont côte à côte. Attentifs au commandement de leur chef, les combattants sont entraînés à suivre les enseignes et à rester en rangs. Ils obéissent tous aux consignes : les chefs comme les soldats sont rompus aux manœuvres, aux attaques frontales, aux mouvements tournants, aux défenses des ailes, aux retraites. Ne crois pas que ce soit le goût de l’or ou de l’argent qui les maintienne dans le devoir : la pauvreté leur apprend aujourd’hui encore le respect de la discipline, ils se couchent par terre quand ils sont fatigués, mangent ce qu’ils trouvent, ne dorment qu’une partie de la nuit. Les cavaliers de Thessalie, d’Acarnanie, d’Etolie, ces unités qui ignorent la défaite, est-ce avec des frondes et des lances durcies au feu que nous les repousserons ? Nous devons leur opposer des troupes qui vaillent les leurs. Nous devons aller chercher des auxiliaires dans leurs propres rangs : utilise donc ton argent et ton or pour recruter chez eux des mercenaires”", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 2.10-16). Selon Quinte-Curce, Darius III n’accepte pas ce discours, indigné qu’on puisse ainsi remettre en cause les capacités militaires de son Empire : il condamne Charidèmos à mort ("Darius III était naturellement doux et patient, mais l’exercice du pouvoir avait altéré son caractère comme cela arrive souvent. Incapable d’admettre la vérité, il ordonna au bourreau de mettre à mort l’hôte accueilli en suppliant au moment où celui-ci lui donnait des conseils utiles. Sans rien perdre de sa franchise, Charidèmos s’écria : “Ma mort sera rapidement vengée : celui contre qui je te donne ce conseil te punira de n’en avoir pas tenu compte […]”. Il parlait encore quand on l’étrangla sur ordre du Grand Roi. Darius III regretta sa décision quand ce fut trop tard. Il lui accorda la tombe en reconnaissant qu’il avait dit la vérité", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 2.17-19). Une majorité d’hellénistes remettent en cause la véracité de cette réaction de Darius III, en disant que Quinte-Curce dans ce passage pastiche les paragraphes 101 à 105 livre VII de l’Histoire d’Hérodote, racontant comment Xerxès Ier en -480 lors de la revue des troupes perses à Doriscos en présence de l’exilé royal spartiate Démarate, repousse pareillement avec mépris ce dernier doutant de l’efficacité militaire perse face à la motivation et à l’ingéniosité des Grecs dirigés alors par Léonidas Ier et par Thémistocle. Nous les suivons sur ce point, et avec eux nous préférons délaisser Quinte-Curce pour écouter Diodore de Sicile, qui révèle que Darius III a des raisons plus légitimes de condamner Charidèmos que l’indignité prétentieuse : selon cet autre historien en effet, Charidèmos ne s’est pas contenté de dire que les Perses sont des soldats nuls qu’on devrait remplacer par un contingent de Grecs mercenaires, il a été jusqu’à proposer d’en devenir le chef, en n’étant pas suffisamment habile pour masquer sa probable volonté de rallier Alexandre et de se retourner avec lui à la tête de ce contingent contre le Grand Roi ("Dès que [Darius III] fut informé de la mort [de Memnon], il convoqua ses amis et tint conseil avec eux pour examiner si l’envoi des généraux à la tête de ses armées pour les opposer à l’ennemi serait suffisant, ou s’il devait conduire lui-même toutes les forces de la Perse contre les Macédoniens. Certains opinèrent que le Grand Roi en personne devait commander ses troupes car sa présence leur inspirerait un plus grand courage. Mais l’Athénien Charidèmos, très réputé pour son expertise militaire acquise au contact du roi Philippe II dont il avait été longtemps le conseiller et le soutien lors de ses expéditions guerrières [en réalité, nous l’avons vu dans notre paragraphe introductif, Charidèmos a été plus souvent un ennemi qu’un ami de Philippe II, à la fin du règne de ce dernier il est même devenu clairement un adversaire…], incita le Grand Roi de Perse à ne pas exposer sa personne et sa couronne, ajoutant qu’il devait demeurer au centre de son Empire et se contenter de mettre à la tête de ses troupes un général ayant déjà prouvé son courage et ses compétences, et estimant qu’un contingent de cent mille hommes serait suffisant à condition qu’un tiers fût composé de mercenaires grecs. Il eut la hardiesse de s’offrir lui-même comme général, et de promettre un succès heureux à condition de lui accorder confiance. Le Grand Roi inclina vers cette proposition, mais ses conseillers s’opposèrent en laissant entendre assez clairement que Charidèmos ne demandait la fonction de général que pour livrer l’armée perse aux Macédoniens, Charidèmos entra dans une grande colère, et reprocha aux Perses leur lâcheté naturelle, au point d’irriter le Grand Roi qui, cédant alors à sa passion plutôt qu’à son intérêt, prit Charidèmos par la ceinture selon la coutume des Grands Rois de Perse, pour le livrer à ses officiers et l’envoyer à la mort. Conduit au supplice, Charidèmos prédit hautement que le Grand Roi payerait bientôt son injustice par la perte de son Empire. C’est ainsi que Charidèmos, au milieu des plus hautes espérances, perdit la vie par l’imprudence de son discours", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.30). Quelles que soient les raisons, orgueil ou méfiance, Darius III se décide en tous cas à prendre personnellement les choses en mains : il quitte Babylone comme généralissime de sa grande armée et prend la route de l’Anatolie ("[Darius III] se rendit à Babylone dans les délais qu’il avait imposés aux troupes des provinces. Son infanterie montait à quatre cent mille hommes et sa cavalerie à cent mille. Il conduisit cette nombreuse et formidable armée de Babylone en Cilicie, emmenant avec lui sa femme et ses enfants, son fils, deux filles et sa mère", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVII.31). Alexandre ignore certainement ces préparatifs de Darius III, mais il les subodore, car il sait que le Grand Roi ne peut pas rester sans réagir face aux échecs successifs de ses généraux. Le temps n’est plus à la soumission des Perses réfugiés du côté de l’embouchure de l’Halys : il faut marcher au canon, redescendre immédiatement vers la côte sud anatolienne, aller au devant de Darius III pour l’empêcher de franchir les monts Taurus et d’établir le contact avec ces derniers Perses qui s’accrochent encore à l’embouchure de l’Halys ("[Alexandre] partit de Gordion pour aller soumettre la Paphlagonie et la Cappadoce. Mais il apprit la mort de Memnon, le seul des généraux de Darius III qui du côté de la mer pût lui susciter des difficultés. Il résolut alors de conduire son armée vers les hautes provinces de l’Asie", Plutarque, Vie d’Alexandre 18). Arrien dit qu’avant de partir, Alexandre nomme un "Sabiktas" satrape de Cappadoce ("[Alexandre] marcha vers la Cappadoce, il soumit une grande partie du pays de part et d’autre du haut fleuve Halys, et nomma Sabiktas satrape", Arrien, Anabase d’Alexandre II.2). Selon Quinte-Curce, l’homme qui est à la tête de la satrapie de Cappadoce au moment de son départ se nomme non pas "Sabiktas" mais "Abistaménès" ("Laissant la Cappadoce sous le contrôle d’Abistaménès, Alexandre partit en direction de la Cilicie avec l’ensemble de ses troupes", Quinte-Curce, Histoire d’Alexandre le Grand, III, 4.1). Nous ne savons pas quoi penser de ces deux noms, et de ces prétendues nominations. Abistaménès a une consonance perse : s’agit-il du roi de Cappadoce (rappelons en effet que la Cappadoce n’est pas un territoire de l’Empire perse mais, selon la tradition rapportée notamment par Diodore de Sicile au livre XXXI aujourd’hui perdu de sa Bibliothèque historique mais dont le patriarche byzantin Photios au IXème siècle nous a conservé quelques passages, un royaume indépendant ami et allié de l’Empire perse dirigé par les descendants d’Otanès/Utana, l’un des sept putschistes qui ont accaparé la couronne perse en -522 : "Les rois de Cappadoce remontent leur origine à Cyrus II, et ils affirment aussi qu’ils descendent d’un des sept Perses qui ont exécuté le Mage. Voici comment ils établissent leur généalogie à partir de Cyrus II : Atossa était sœur légitime de Cambyse Ier, le père de Cyrus II, elle eut de Pharnacès, roi de Cappadoce, un fils appelé ‟Gallos”, qui engendra Smerdis, qui fut père d’Artamnès, lequel eut un fils nommé ‟Anaphas” [équivalent d’Otanès/Utana dans les autres textes grecs et perses], homme courageux, entreprenant, et l’un des sept Perses. C’est ainsi qu’ils remontent leur origine à Cyrus II et à Anaphas [alias Otanès/Utana] qui, selon eux, avait obtenu la souveraineté de Cappadoce sans payer de tribut aux Perses", Photios, Bibliothèque 244, Bibliothèque historique par Diodore de Sicile, Livre XXXI) reconnu par Darius III, maître de l’hégémon/¹gemèn Mithrobouzanès que nous avons vu à la tête d’un contingent cappadocien au Granique combattre aux côtés des Perses, qu’Alexandre n’aurait pas eu le temps de déloger de son trône et de son titre ? Appien incline vers cette hypothèse ("Je ne peux pas dire si le royaume de Cappadoce avant les Macédoniens était indépendant ou vassal de Darius III. Je crois savoir qu’Alexandre laissa en place les chefs des peuples locaux contre un tribut, car il était pressé d’aller affronter Darius III. Il est certain qu’il restaura l’ancestrale démocratie de la cité d’Amisos près du Pont, dont la population est d’origine athénienne. Mais Hiéronymos [de Cardia] affirme qu’il n’eut pas le moindre contact direct avec ces peuples car il prit la route côtière de Pamphylie et de Cilice pour aller affronter Darius III", Appien, Histoire romaine XII.24-25). Dans ce cas le texte de Quinte-Curce signifierait : "Alexandre partit vers la Cilicie sans avoir atteint le dirigeant perse de Cappadoce Abistaménès, dernier défenseur des intérêts de Darius III dans le nord de l’Anatolie". Après la mort d’Alexandre, lors du partage imposé par Perdiccas en -323, Eumène de Cardia recevra le gouvernement de la Cappadoce et de la Paphlagonie, or Diodore de Sicile précise bien que jusqu’à cette date la soumission de ces deux territoires au pouvoir macédonien n’aura été que théorique ("Eumène eut la Paphlagonie, la Cappadoce et toutes les contrées limitrophes, qu’Alexandre n’avait pas parcourues à cause de sa marche contre Darius III", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVIII.3), et Plutarque précise même qu’alors la Cappadoce sera sous l’autorité d’un nommé "Ariarathès" ayant le titre de roi ("basileus/basileÚj", roi légitime, par opposition au "tyran/tÚrannoj", roi porté au pouvoir par un groupe intéressé) et non pas de satrape ("Eumène eut la Cappadoce, la Paphlagonie, et toute la côte sud du Pont jusqu’à Trapézonte qui n’était pas encore sous la domination des Macédoniens et dont Ariarathès était roi/basileÚj, mais Léonnatos et Antigone furent chargés d’y conduire Eumène avec une puissante armée pour l’établir satrape de cette contrée", Plutarque, Vie d’Eumène 3) : cet Ariarathès de -323 est-il l’Abistaménès de -333 dont le nom a été déformé par Plutarque (c’est ce que suggère Diodore de Sicile dans ce passage qui raconte la guerre entre le roi de Cappadoce et Perdiccas après la mort d’Alexandre en -323 : "[Ariarathès le roi de Cappadoce] avait échappé à la domination macédonienne parce qu’Alexandre, accaparé par sa lutte contre Darius III, l’avait négligé, il avait ainsi joui d’un long répit en conservant son autorité sur la Cappadoce, où il avait formé une grande armée d’autochtones et de mercenaires au moyen de gros revenus. Disposant de trente mille fantassins et de cinq mille cavaliers, il revendiqua ses droits royaux, et accepta la guerre contre Perdiccas", Diodore de Sicile, Bibliothèque historique XVIII.16) ? est-il le successeur d’Abistaménès ? Sabiktas quant à lui ne serait-il pas qu’un simple caïd local hâtivement décoré du titre de satrape de Cappadoce pour tenter de déposséder Ariarathès/Abistaménès de son trône et de son titre ? Si cette dernière hypothèse est fondée, ce Sabiktas n’est satrape de Cappadoce que sur le papier : il a reçu une couronne d’Alexandre, mais il devra conquérir seul le gouvernement attaché à cette couronne.

  

Le débarquement

Bataille du Granique

Les côtes

L’Anatolie centrale

La Cilicie

Bataille d’Issos

La campagne d’Anatolie

(printemps -334 à automne -333)

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