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Essais sur la bande dessinée (Peer Eygh)
  
Analyse
Nocturnes (pièces pour piano)
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© Christian Carat Autoédition
Avec le recul, mon admiration passée pour Nerval et mon pastiche Dans les limbes me paraissent aussi adolescents que l’admiration de Proust pour les Goncourt et le pastiche qu’il a réalisé de leur Journal. Dans les limbes est une œuvre sincère et soignée, mais aussi fausse et approximative, car déguisée à la manière nervalienne. Elle m’a permis de découvrir, comme Proust à travers son pastiche du Journal des Goncourt, que je n’ai ni imagination ni style, ou plus exactement que la vraie imagination se résume toujours aux obsessions intimes que l’on projette sur l’écran du monde - même quand on n’en a pas conscience, comme Zola -, et que le vrai style n’est que l’expression du Moi, tout le reste n’est que délire et snobisme. Chacun de nous est hanté par quelques sujets récurrents, qui réapparaissent toujours sous telle ou telle forme, par telles ou telles phrases. L’attirance d’un journaliste pour les personnalités politiques trahit son propre complexe à choisir et à agir. L’attirance d’un saltimbanque issu de milieu aisé pour les causes humanitaires trahit son propre complexe d’inutilité. L’attirance d’un industriel pour les livres et les tableaux trahit son propre déficit intellectuel. L’attirance d’un roi pour la serrurerie trahit sa propre impuissance.

Dans les limbes m’a permis également de découvrir que tout peut être lié via un observateur. Peu importe les sujets abordés, ceux-ci sont toujours appréhendés de la même façon par le Je qui les décrit. Cela est particulièrement sensible dans la peinture, ou dans la musique. Quand Chopin aborde un populeux salon parisien dans telle valse, ou la campagne solitaire du côté de Nohant dans tel nocturne, ou le tumulte de la révolution polonaise dans telle étude, ou l’indolence des Baléares dans tel prélude, il ne décrit en réalité ni Paris ni la campagne ni la guerre ni la paix, mais lui- même, ou plus exactement l’image qu’il se fait de Paris, de la campagne, de la guerre ou de la paix, en recourant aux mêmes enchaînements harmoniques et aux mêmes tics mélodiques. Dans les limbes obéit à la même règle. A la place de Horace Vernet, j’aurais pu raconter Bouguereau ou Cabanel : j’aurais parlé de la même façon de la vanité de l’académisme. A la place de Guillaume le Conquérant, j’aurais pu raconter Elisabeth Ière : j’aurais parlé de la même façon de la bâtardise et de la légitimité. Vernet et Guillaume n’ont été que des prétextes pour exprimer des hantises personnelles. Si on inverse les points de vue, cela signifie qu’on peut parler de Vernet à travers moi et Guillaume, ou de Guillaume à travers moi et Vernet. Autrement dit, n’importe quel objet contient l’explication de l’univers dont il est issu, comme la pomme de Newton contient la loi de la gravitation. Tout réside dans la façon de regarder cet objet. Les lois observées selon tel angle d’un objet, sont reproductibles selon le même angle sur tous les autres objets de l’univers, même les plus éloignés en apparence.

Les Essais sur la bande dessinée sont le fruit de cette double découverte, qui assoit ma motivation proustienne. La description du monde est impossible, car on ne décrit que ce qu’on connaît, c’est-à-dire soi-même. Mais comme cette règle est valable partout et pour tous, elle implique que l’on peut accéder à tout à travers un objet singulier. De là ma volonté d’écrire une Histoire de la Littérature occidentale à travers la bande dessinée franco-belge, que j’ai fréquentée durant mon adolescence. En étudiant celle-ci, je me suis aperçu que sa trame au cours du temps était la même que celle-là : Tintin renvoie au genre épique, André Franquin renvoie au genre romanesque, qui, après diverses expériences périphériques (Maurice Tillieux et sa distorsion du temps et de l’espace, Raymond Macherot et ses animaux coquefredouillais reproduisant La comédie humaine de Balzac, Greg et Dany et leur épanchement nervalien du rêve dans la réalité, Jacques Martin et sa résurrection archéologique de l’Antiquité, Gotlib et son exploration de l’inconscient), aboutit à la très proustienne Vallée des Roses du Rouennais Franck Le Gall, prolongée de façon multimédia par les dessinateurs de la Ligne Claire et par le duo Schuiten-Peeters des Cités obscures. De là aussi ma préface, assimilant cette quête d’un parallèle entre Littérature et bande dessinée, à la quête de certains scientifiques actuels pour la théorie du Tout. J’ai conçu ces Essais sur la bande dessinée comme l’essence des manifestes : ce livre non seulement expose une théorie à prétention universelle, mais encore il illustre en lui-même la pertinence de cette théorie, en recourant à un domaine (la bande dessinée franco-belge) pour en expliquer un autre (la Littérature occidentale ; j’aurais pu choisir la musique ou la peinture ou le cinéma ou n’importe quel autre domaine, j’aurais abouti à la même théorie, l’apprentissage de la pluralité des mondes, le passage du "nous" à "il" puis à "je").

Les Essais sur la bande dessinée dans Le temps gagné, ont le même statut qu’Un amour de Swann a dans A la recherche du temps perdu de Proust, celui d’un tableau microcosmique dans un tableau macrocosmique (comme l’arrière-plan dans La Vierge du chancelier Rolin de Van Eyck, d’où le pseudonyme à consonance flamande que je me suis choisi lors de l’autoédition des Essais sur la bande dessinée en 2003, "Peer Eygh"), ou, pour reprendre l’analogie proustienne que j’ai rappelée dans mon analyse introductive au Temps perdu, comme une petite cathédrale dans une grande cathédrale. On se souvient effectivement que Proust a songé d’abord à donner à chacun des livres d’A la recherche du temps perdu le nom des éléments d’une cathédrale : le narrateur développe sa nef entre le collatéral côté nord (le côté de Swann) et le collatéral côté sud (le côté de Guermantes), servant à la fois au renforcement de la structure et au divertissement du visiteur (avec des chapitres racontant les étapes de personnages parallèles, tels les chapelles ornées de peintures et de vitraux racontant la vie de Jésus ou des membres de l’Eglise), vers un transept monumental constitué du diptyque Albertine (féminisation d’Alfred Agostinelli, élaboré après les fondations, tel une flèche qui surplombe l’ensemble, et laissé inachevé par la mort de l’auteur : La prisonnière, Albertine disparue), puis le chœur (Le temps retrouvé, d’où le narrateur en se retournant peut contempler l’édifice dans son ensemble). Un amour de Swann, sous-partie du collatéral nord, a été conçu comme une chapelle reproduisant la cathédrale en miniature et en négatif : la cathédrale A la recherche du temps perdu du narrateur Marcel Proust est lumineuse et joyeuse, alors que la chapelle Un amour de Swann de Charles Swann est sombre et triste. Mais en même temps, on peut dire que le narrateur est intimement attaché à cette petite chapelle, parce qu’elle lui a justement servi de maître-étalon dans la construction de sa grande cathédrale : c’est parce qu’il n’a pas voulu reproduire l’échec amoureux de Charles Swann avec Odette de Crécy dans cette petite chapelle, que le narrateur a sublimé son propre échec amoureux avec Albertine dans sa grande cathédrale. De même, dans Le temps gagné, j’ai voulu intégrer une petite chapelle intime, reproduisant ma cathédrale du Temps gagné en miniature : une mini nef menant de l’épopée au roman, flanquée d’un mini collatéral nord (le thème de la nuit) et d’un mini collatéral sud (le thème du Moi), vers un mini transept proustien (La vallée des Roses et la Ligne claire), puis un mini chœur permettant de passer vers d’autres mondes - vers les Cités obscures, vers la Marcalance, vers l’au-delà.